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20 octobre 2013 7 20 /10 /octobre /2013 11:48

Nous étions arrivés à Florence vers dix heures du soir. Jacky ne voulait pas aller si loin, mais après quelques heures à traîner dans les rues de Gênes, je l'avais supplié de poursuivre notre découverte de l'Italie jusqu'en Toscane. Nous avions auparavant séjourné sur la Côte d'Azur et je n'avais pas envie de m'arrêter en si bon chemin. Pour dire la vérité, je voulais Jacky pour moi tout seul pendant quelques jours. Nous nous connaissions depuis le collège et c'était la première fois que nous partions en vacances ensemble. Nous venions d'être reçus au bac et nous avions réuni toutes nos économies pour partir vers le sud au hasard des horaires des trains de nuit. Après Avignon et Cannes, nous avions goûté aux charmes de Menton où j'avais passé une grande partie de mon enfance et nous descendions à présent d'un train en gare de Florence en provenance de Gênes. Dans le compartiment, nous avions, ou plutôt j'avais - car Jacky n'avait pas étudié l'italien - parlé à un garçon qui allait lui aussi à Florence. Sur le quai, il marchait vite, j'avais du mal à le suivre, et Jacky était à la traîne car il portait un sac de voyage trop grand et trop lourd pour lui. Au cours de notre conversation, il m'avait dit qu'il prendrait un taxi au sortir de la gare. Je le suivais toujours et il monta à l'avant d'un taxi, moi à l'arrière. L'Italien surpris que je montasse dans le même véhicule que lui me cria : "Dove va lei ? Dove va lei ?" Je bredouillai de vagues excuses dans un mauvais italien et me retrouvai sur le trottoir tandis que Jacky arrivait à ma hauteur. Je lui dis : "J'aurai essayé mais il n'a pas voulu nous héberger."

Nous trouvâmes, malgré l'heure tardive, une pension en ville pour quarante mille lires sans le petit déjeuner. Pour une somme aussi modique, la salle d'eau se trouvait au bout du couloir. Jacky, sans doute fatigué par la visite de Gênes puis par le trajet ferroviaire, s'écroula sur le lit et s'endormit aussitôt. J'étais jaloux des petites amies de Jacky. Un soir, alors que je passais devant son immeuble, je le vis enlacer et embrasser une fille que j'avais aperçue au collège. Je fis semblant de ne pas le voir. Je sais, c'était une attitude puérile, mais je n'acceptais pas qu'il pût être dans les bras d'une fille. C'était, selon moi, comme une rupture du pacte de notre amitié, pacte qui n'avait d'existence que dans mon esprit. Il courut après moi dans la rue et me dit : "Alors on ne salue pas les vieux amis ?" J'ai du rougir tant j'étais mal à l'aise. J'aurais voulu alors disparaître dans les entrailles de la terre.

Jacky n'aimait ni les musées, ni le théâtre, ni la musique classique, leur préférant les Beatles, le cinéma et les romans de Charles Exbrayat. Je réussis néanmoins à le convaincre de visiter la Galerie de l'Académie où nous suivîmes un groupe de touristes français. Arrivés devant le David de Michel-Ange, le guide expliqua longuement l'histoire de la statue.

- Il s'agissait au départ d'oun grrand bloc de marbrre qui était dans la Fabrrique del Douomo et qui avait été extrrait avec l'intenzioné d'y scoulpter une géant, oun David ou oun prophète pour l'un des contrreforts del Douomo Santa Maria del Fiore.

Jacky regardait la statue mais n'écoutait le guide que d'une oreille inattentive.

- Il a dit combien il mesure ?

- Cinq mètres dix-sept, lui répondis-je.

- Lé bloc va rester là jusqu'en 1501, date à laquelle on demande à Michelangelo qui n'a qué 26 zannées dé scoulpter le bloc.

- Tu as vu les veines de sa main droite ? Seule une main crispée peut faire ressortir de telles veines !, me dit Jacky.

- David, jeune berger est dépeint au moment où il s'apprrête à lancer oune pierre, dans un climat dé concéntration mentale et dé tensioné physique intennse.

- Tu as vu ? Il a les pupilles en forme de cœur !, précisa Jacky.

- C'est pour mieux te regarder mon enfant.

- Il faut se foutre à poil pour lancer une pierre sur quelqu'un ?, demanda Jacky.

- Lé trranportt dou lieu dé scoulptoure à la Piazza Signoria a douré kouatre jours et pour éviter les actes de vandalisme, la statoue était gardée jour et nuit, cé qui né l'a pas empêchée d'être la cible de jets de pierres.

- C'est l'histoire du rosseur rossé, lâcha Jacky.

David revisité.

David revisité.

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