La Fayette : de Chavaniac à la Louisiane (3/3)

Le 4 juillet 1917 à Paris, les soldats américains défilent sur la place de la Concorde. "Espérés depuis longtemps, les Yankees reçurent des Parisiens un accueil véritablement délirant. C'était à qui apercevrait le bout de leur uniforme ou, mieux, arriverait à toucher l'une des automobiles du cortège. Dix fois, Pershing dut venir et revenir au balcon de l'hôtel Crillon. "Jamais peut-être au cours de l'Histoire, un homme n'éprouva au même point que lui le sentiment de sa propre impuissance incapable qu'il était d'offrir dans l'immédiat au peuple français ce que celui-ci attendait..." (Laurence Stallings). Devant le tombeau de La Fayette, le général prononcera un discours très applaudi. Le colonel Stanton en profitera pour placer sa phrase à jamais historique : "La Fayette, here we are !" (1)

Beaucoup de villes aux Etats-Unis, dont une en Louisiane, portent le nom de Gilbert Motier de La Fayette (1757 - 1834), double symbole de la Révolution américaine et de la Révolution française. En 1780, il fait, à bord de l'Hermione, son deuxième voyage vers les Etats-Unis, pour assurer George Washington du soutien de la France dans la guerre qui les oppose aux Anglais, avec l'envoi de six mille hommes sous le commandement de Rochambeau. En 1789, en France, La Fayette est commandant de la Garde nationale. En octobre, c'est le retour du roi à Paris. "En ce début de semaine des 5 et 6 octobre 1789, Louis XVI est parti chasser dans le bois de Meudon, Marie-Antoinette est au Trianon et les enfants royaux en promenade. En fin de matinée, le lundi 5, on annonce que la garde parisienne et un grand renfort d'hommes, précédés d'une avant-garde de femmes, sont en marche pour Versailles." (2) "Peu après, les quinze mille gardes nationaux entraînent La Fayette à leur suite. Il pleut sur ce lundi d'automne qui est la dernière journée du roi de France à Versailles. Rentré précipitamment de la chasse, Louis XVI cède après avoir songé à fuir : il promet aux femmes de faire ravitailler Paris, à l'Assemblée de signer les décrets du 4 août. Mais l'arrivée du deuxième cortège parisien à la nuit tombante fait rebondir la crise : deux commissaires de la Commune qui escortent La Fayette demandent le retour du roi." (3) "Il est hors de doute que, le 6 octobre, c'est La Fayette qui sauva la vie du couple royal, ou tout au moins de la reine, plus menacée que le roi." (2)

En 1792, La Fayette tombe aux mains des troupes autrichiennes et reste prisonnier à Olmütz jusqu'en 1797. Après un exil de deux ans en Allemagne et en Hollande, La Fayette rentre en France. "Quant à La Fayette, l'histoire de ses relations avec Bonaparte, puis avec Napoiéon, jusqu'en 1814, sera l'histoire d'une impossible amitié et d'une incompréhension grandissante. (... ) C'est Joseph qui offre à l'ex-prisonnier d'Olmütz l'occasion de revoir le Premier consul, en l'invitant à la brillante réception que lui-même offre en son château de Mortefontaine, le 20 octobre 1800, aux délégués des Etats-Unis avec qui la France vient de signer le 30 septembre, un nouveau traité remplaçant celui de 1778." (2) Les rapports entre Bonaparte et La Fayette se détériorent surtout à partir de 1802, et le "Héros des Deux Mondes" refuse tout ce qui lui est proposé. "Il refuse d'être nommé ambassadeur aux Etats-Unis (une idée soufflée au chef de l'Etat par Talleyrand), sous prétexte qu'étant Américain lui-même (il a reçu la citoyenneté pour services rendus), il ne peut pas être diplomate auprès des autorités de son propre pays.

Il refusera d'ailleurs, en 1803, la proposition que lui fait le président Jefferson, son vieil ami, d'être nommé gouverneur de la Louisiane, que les Etats-Unis viennent d'acheter à la France." (2)

Après Waterloo, La Fayette est élu député de la Sarthe. "La loi électorale de 1817 avait produit son résultat naturel. Dès sa première application, en septembre 1817, le banquier Laffitte et une douzaine de libéraux ont été élus pour le cinquième à renouveler. En 1818, La Fayette, Benjamin Constant, Manuel entrent à la Chambre, celui-ci nommé par la Vendée et le Finistère, deux départements où le peuple est blanc." (4)

En 1824, Louis XVIII meurt ; Charles X lui succède. "Charles X, au contraire, tendait à prendre ses désirs pour des réalités. Il aimait à plaire et souffrait quand il sentait autour de lui de l'impopularité. Or, il était attaché à des idées impopulaires. Chef de la première émigration, protecteur avoué des ultras, il disait quelquefois : "Depuis 1789, il n'y a que M. de La Fayette et moi qui n'ayons pas varié."

Comme don de joyeux avènement, il supprima la censure et accorda une amnistie." (4)

En juillet 1830, les journées dites des Trois Glorieuses font vaciller Charles X qui abdique le 2 août. Le 7 août 1830, Louis-Philippe, duc d'Orléans, est élu roi des Français. "Anecdote symbolique, le nom même du souverain est l'objet d'une négociation avec ceux auxquels il doit sa couronne, La Fayette en tête : Philippe VII fait un peu trop Bourbon, va pour Louis-Philippe Ier, une royauté qui vient de naître !" (3)

La Fayette meurt en 1834 à Paris et est enterré au cimetière de Picpus. C'est dans ce même cimetière qu'en juillet 1917 se trouvent le général Pershing, peu décidé à prendre la parole, et des personnalités civils et militaires. "M. Sharp, l'ambassadeur des Etats-Unis, et M. Painlevé finirent par le convaincre, et le général, bien qu'il ait désigné le colonel C.E. Stanton pour parler à sa place, dut improviser un speech avant de céder la petite tribune à son aide de camp.

Ce dernier, visité par l'inspiration et peut-être conscient que l'assistance escomptait une déclaration plus lyrique que les propos tenus par son chef, apostropha soudain d'une voix forte le mausolée : "La Fayette, nous voilà !" Les applaudissements crépitèrent, couvrant les sanglots de quelques femmes en deuil." (5)

En Louisiane, la ville de Lafayette fut "fondée en 1824 par Jean Mouton autour de la petite chapelle qu'il fit bâtir, trois ans plus tôt : l'église de Saint-Jean du Vermilion. Baptisée alors Vermilionville, elle prit le nom de Lafayette, en 1884, à l'exemple de quarante autres villes des Etats-Unis en mémoire du célèbre marquis français, héros de la Révolution américaine". (6)

(1) Paris en cartes postales anciennes (Palais-Bourbon - Elysée) par Georges Renoy (Bibliothèque Européenne, 1973)

(2) La Fayette par Gonzague Saint Bris (Editions Télémaque, 2006)

(3) La Révolution (1770-1880) par François Furet (Hachette, 1988)

(4) Scènes et tableaux de la Restauration par R. Mabille de Poncheville (Editions Gautier-Languereau, 1935)

(5) Bagatelle par Maurice Denuzière (Editions Jean-Claude Lattès, 1981)

(6) La Louisiane aujourd'hui par Michel Tauriac (Editions j.a., 1980)

Place La Fayette en Louisiane (Etats-Unis d'Amérique)