Faire connaître la Louisiane et les Catalognes : Lieux, histoire et événements.
En mars 1907, Franz Marc est à Paris. Les impressionnistes qui l'avaient tant subjugué au cours de son précédent séjour dans la capitale française ne lui faisaient maintenant plus le même effet. Le temps avait passé et une nouvelle génération de peintres nés dans les années 1880 (Picasso, Derain, Braque, Delaunay, Gris) avait créé d'autres formes, avaient mélangé d'autres couleurs sur leur palette, avaient changé la façon de peindre. Les mouvements picturaux comme le fauvisme (1905) et le cubisme (1907) avec leur lot de réprobation et de scandales allaient porter un autre regard sur la peinture. Par contre, Marc s'enthousiasma pour une exposition consacrée à Gauguin et Van Gogh. "Hier, été voir de la peinture avec Rouart. Très beaux Gauguin, Van Gogh, Cézanne", écrit André Gide dans son Journal* à la date du 12 février 1907. Franz Marc puise alors son inspiration chez Van Gogh lorsqu'il peint Femme sous le vent au bord de la mer (1907), Cavalier sur la plage (1907) et Jeune mélèze (1908). A son retour de France, après quelques visites au parc zoologique de Berlin et quelques promenades dans la campagne bavaroise, il se met à dessiner des animaux. Le monde animal deviendra son sujet de prédilection qui ne le quittera plus désormais, parce que l'animal est, selon lui, plus beau et plus pur que l'être humain, prévoyant - peut-être déjà ? - l'abîme dans lequel l'humanité allait se jeter en 1914. Tandis qu'il sera au front, Franz Marc écrira : "La plus importante leçon et ironie de la guerre est que précisément l'immense triomphe de notre "guerre technique" nous a fait reculer dans le plus primitif âge de l'homme des cavernes." En dessinant des singes, des chevreuils, des chevaux, des belettes, des chiens, des chats, Franz Marc n'est pas qu'un simple peintre animalier parce qu'en les représentant il se plonge dans l'âme des animaux. Il se refuse à peindre les animaux comme nous les voyons mais les peint selon leur vision du monde à eux.
Alors que Franz Marc quitte Paris, August Macke y arrive pour la première fois. A quelques années d'intervalle, le voilà subjugué par les impressionnistes et surtout par le premier d'entre eux, Paul Cézanne. August Macke s'en inspirera dans Portrait avec pommes (1909) et dans Cruche blanche avec fleurs et fruits (1910). Ces deux toiles ne sont pourtant pas qu'une pâle imitation de celles du Maître d'Aix-en-Provence. car si la construction du sujet semble similaire, Macke y met ces couleurs chaudes qui caractériseront sa peinture à partir de 1910. (On ne peut pas associer Cézanne aux pommes, car cela signifierait qu'il n'aurait peint que des tableaux représentant ces fruits. Il faut se rappeler ses superbes toiles représentant la montagne Ste-Victoire ainsi que ses grandes baigneuses, il a aussi peint grandiosement à l'Estaque en 1878.)
Alors que Marc et Macke vivent à quelques kilomètres l'un de l'autre dans le sud de la Bavière sans s'être toutefois jamais croisés, l'un vivant à Sindelsdorf, l'autre à Tegernsee, c'est à Munich, en janvier 1910 que Macke va faire la connaissance de Marc, non par une rencontre physique sinon picturale. Alors que Macke est à la galerie Brakl (Brakls Moderne Kunsthandlung, Goethestrasse, 64), il remarque une lithographie en couleurs sur papier intitulée Chevaux dans le soleil. Il s'enthousiasme pour cette oeuvre et demande au galeriste l'adresse de l'artiste qui l'a exécutée. Sitôt écrite sur un petit carnet, Macke se rend immédiatement dans l'atelier de Marc. Une solide amitié mêlée d'admiration et de complicité naîtra dès ce jour. Marc rendant la politesse à Macke, il lui rend visite quelques jours plus tard à Tegernseee. Les deux peintres se portraitureront l'un l'autre. Seul le portrait de Marc par Macke est encore visible (l'autre ayant disparu) dans un musée de Berlin. Mais c'est la rencontre avec Wassily Kandinsky et celle ensuite avec Robert Delaunay qui vont changer la façon de peindre des deux protagonistes qui vont alors se rendre célèbres dans la création d'un nouveau mouvement artistique : Le Cavalier bleu, un des courants de l'expressionnisme.
August Macke, son épouse Elisabeth et leur fils Walter - né en 1910, ce dernier mourra à l'âge de 17 ans -, quittent Tegernsee pour Bonn sur les bords du Rhin. L'ancienne capitale de la République Fédérale d'Allemagne entre 1949 et 1991, qui compte aujourd'hui environ 300 000 habitants, fut autrefois une ville fortifiée et la capitale de l'archevêché de Cologne. Les archevêques-électeurs n'auront de cesse au cours des siècles d'embellir leur ville malgré les sièges dont elle a eu à souffrir notamment ceux de 1689 et 1703. La belle-famille de Macke offre au couple une maison dans la Bornheimerstrasse, située à l'époque dans les faubourgs de la ville, à côté de l'usine du beau-père et non loin de l'église Ste-Marie que Macke a peint depuis l'atelier qu'il avait aménagé au dernier étage. C'est aussi dans cet atelier qu'il a peint ses plus célèbres toiles et façonné quelques sculptures. Là, Macke et Marc ont peint de concert Paradis (en 1912), huile sur crépi de 4 mètres sur 2 exposée dans un musée de Münster. La maison où vécut August Macke entre 1910 et 1914, est ouverte au public depuis 1991. Après rénovation et agrandissement, elle a rouvert en décembre 2017. Elisabeth Gerhardt, la veuve de Macke, remariée avec Lothar Erdmann en 1916, y a vécu jusqu'en 1975 et son départ définitif pour Berlin où elle mourra trois ans plus tard dans sa quatre-vingt-dixième année. Le second fils de Macke et d'Elisabeth, né en 1913, est lui décédé en 1975. Bonn reste une ville active puisqu'elle abrite encore des ministères et des sièges sociaux de grands groupes. Les touristes y vont pour visiter, outre la August-Macke-Haus, la maison natale de Ludwig van Beethoven (dont on célébrera l'année prochaine le 250è anniversaire de la naissance) et le Kunstmuseum Bonn consacré à l'art allemand du 20ème siècle et qui abrite quelques toiles de Macke.
* Journal d'André Gide (Editions Gallimard, 1951)