Journal de confinement (7)

RESTEZ A LA MAISON - QUEDATE EN CASA

14ème jour de confinement

Un grand bonjour à toutes et à tous les confiné.e.s.

Hier soir à 19h50, nouveau hurlement de la sirène sur la ville de Perpignan, un de plus, et c'est comme ça depuis dimanche dernier. Mais à la différence des 19h50 de la semaine dernière, hier soir à 19h50, il faisait encore jour puisque la nuit précédente nous étions passés à l'heure d'été. Le hurlement de la sirène d'hier soir paraissait moins angoissant, moins déprimant, moins démoralisant que ceux de la semaine passée. Dix minutes plus tard, les applaudissements à l'adresse des personnels des établissements hospitaliers se faisaient entendre et, grâce au jour qui se prolongeait, j'ai pu voir qui applaudissait depuis les fenêtres et les balcons de la résidence et des immeubles voisins. Car jusqu'à samedi soir, j'entendais les applaudissements mais je ne voyais pas d'où ils venaient ; les applaudissements, dans la semi-obscurité, venaient de mains invisibles, sans âge et asexuées.

Aujourd'hui lundi 30 mars 2020, au 14ème jour de confinement, nous sommes certains que nous ne trouverons jamais dans les librairies - les bonnes librairies comme on dit souvent en France - un livre intitulé "Le Confinement pour les Nuls", parce qu'en matière de confinement nous sommes devenus professionnels sans avoir à passer par la case contrôle continu, examens blancs et notes en dessous de la moyenne et bien sûr sans gagner 20 000 francs ou 20 000 euros. Chacune et chacun de nous a appris,  au cours des deux semaines passées à domus, à occuper des heures plus ou moins longues mais toujours d'une durée de 60 minutes et des jours plus ou moins longs pourtant toujours d'une durée de 24 heures (hormis le dimanche 29 mars bien entendu). Beaucoup ont appris à cuisiner, à faire de la pâtisserie, à tricoter, à nettoyer, à récurer et beaucoup - peut-être les mêmes - ont réappris à lire, à écrire, à bricoler, à jardiner. Par contre "L'après confinement pour les Nuls" risque de faire un carton et même d'obtenir le prix Goncourt voire le prix tournedos car de nombreuses personnes voudront certainement et rapidement tirer un trait sur cette période anxiogène, étrange, inhabituelle et souhaiteront ne plus jamais revivre ça.

Samedi soir à partir de 21 heures, France 5 a diffusé un numéro d'Echappées belles en Louisiane. Pendant quatre-vingt-dix minutes, cela a fait du bien de voir des gens qui aiment faire la fête du matin - dès 7 heures pour le fais-dodo du matin dans une salle de bal de Breaux Bridge - au soir - comme le 14 juillet à l'occasion du Bastille Day à New Orleans -, tout partout dans la Louisiane, du Mississippi au pays cajun en passant par le bassin de l'Atchafalaya et ses cyprès centenaires autour desquels nagent alligators (cocodrie en cajun) et ratons laveurs (chat-oui). J'ai été content de voir Paul Nevski guider des touristes au sein du Vieux Carré de La Nouvelle-Orléans et ai été content de savoir que c'est toujours Pete Bergeron qui anime les émissions sur KRVS, radio qui émet depuis la University of Southwestern Louisiana (USL). On y parle le français cajun et la musique fait évidemment partie de la programmation : two step, valse, sans oublier la musique Zydeco (déformation du mot haricot, car les cajuns disent les z'haricots) dont les meilleurs représentants ont été Clifton Chenier (décédé en 1987) et Warren Ceasar qui se faisait accompagné par le Creole Zydeco Snap Band. J'ai eu la chance de voir ce dernier en concert à Troyes (Aube) il y a environ vingt-cinq ans. Trompettiste, flûtiste, "washboarder" et chanteur, il se donnait à fond dans ses spectacles, passant parmi le public avec sa trompette d'or et ses "boogaloo" qui résonnaient tout partout dans nos coeurs. C'est une Amérique inhabituelle et inconnue que l'émission de France 5 nous a fait (re)découvrir. Le slogan de l'Office du tourisme de Louisiane était d'ailleurs dans les années 80 : "Louisiana : Une Amérique différente." Bref, cette émission sur France 5 a été rafraîchissante dans ce monde confiné et attristé par le décès de tant de malades. Quand je rentrai des Etats-Unis en 1987, une voisine originaire du Maryland me demanda si mon voyage aux "States" s'était bien passé. Elle voulait savoir où j'avais séjourné. Je lui répondis que j'étais allé en Louisiane et au Texas. "Que diable êtes-vous allé foutre là-bas ?", me rétorqua-t-elle. "La Louisiane pour les Nuls", ça existe en librairie ?

A Lake Charles (Louisiane, USA), ville jumelée avec Perpignan depuis 1991