Faire connaître la Louisiane et les Catalognes : Lieux, histoire et événements.
Le 35ème Festival International du Photojournalisme VISA POUR L'IMAGE de Perpignan (Pyrénées-Orientales) propose jusqu'au 17 septembre au Couvent des Minimes une exposition photographique sur un coin de l'Etat de Louisiane (Etats-Unis) qui disparaît peu à peu, l'Isle de Jean-Charles où la photographe et reporter Sandra Mehl a effectué six séjours entre 2016 et cette année d'où elle a informé et alerté sur l'exode climatique des habitants de l'île, sur leurs derniers instants passés sur leur terre d'origine et bien aimée à leur relogement plus au nord.
Abritant autrefois une école, une église et comptant jusqu'à 500 âmes, l'Isle de Jean-Charles est à présent une miette de terre cernée par les eaux du bayou. Réduite à 3 kilomètres de long sur 300 mètres de large, l'île a perdu 98% de sa surface depuis 1955. En cause, l'érosion côtière qui déchiquette le littoral, les fréquents ouragans, mais aussi à l'industrie pétrolière et ses 4000 plates-formes offshore implantées dans le golfe du Mexique. Perforé par des dizaines de milliers de kilomètres de canaux destinés à acheminer le pétrole, le sol se fragilise et s'affaisse, précipitant l'engloutissement des terres. L'importante marée noire d'avril 2010 provoquée par l'explosion d'une plate-forme n'a pas freiné cette exploitation dévastatrice. Il faut dire que l'Etat de Louisiane, 4ème producteur de brut des Etats-Unis, fournit une grande partie du pétrole consommé dans le pays. Si sur terre, "le capitaine Anthony F. Lucas qui, s'inspirant des méthodes texanes, avait dressé un derrick à Anse-la-Butte, près de Breaux Bridge, le 10 janvier 1901, le pétrole avait jailli d'une façon spectaculaire (...) faisant naître des vocations de prospecteurs, assurant subitement une nouvelle source de profits aux spéculateurs fonciers" (1), au large, "l'exploitation du pétrole marin a commencé en 1947" et "quelque 3000 plates-formes se dressent maintenant le long des côtes. (...) La Louisiane fournit 29% du pétrole et du gaz américains." (2) En conséquence, dans ces marges côtières du delta du Mississippi, chaque heure, c'est l'équivalent de la surface d'un terrain de football qui est engloutie. L'île se trouve dans l'une des régions du monde où la disparition des terres est la plus rapide. "La prospection fiévreuse des "oil men" a occasionné, par leurs percements désordonnés, l'augmentation de la salinité de l'eau et du sol. (...) Les aménagements fonciers provoqués par l'exploitation du pétrole et du gaz naturel et par l'endiguement progressif des rives du Mississippi ont profondément modifié le régime hydraulique de ces vastes étendues (...) motifs d'inquiétude pour les spécialistes de l'environnement soucieux de l'équilibre écologique de ces marais." (2)
En 2016, le Gouvernement fédéral a alloué 48 millions de dollars à l'Etat de Louisiane pour organiser le relogement des habitants de l'Isle de Jean-Charles à Gray, commune située à 70 kilomètres au nord. Mais en août 2021, un énième ouragan avec des vents atteignant 240 km/heure a violemment frappé l'île dévastant de nouveau la zone avant même que ses habitants ne soient relogés. Pour son malheur, l'île a été exclue du Morganza to the Gulf of Mexico Project conçu pour protéger le sud-est de la Louisiane des inondations répétées, par un système de 130 kilomètres de digues, d'écluses et de vannes. Depuis 2022, les habitants relogés de l'Isle de Jean-Charles sont considérés comme les premiers réfugiés climatiques des Etats-Unis d'Amérique.
Ce reportage a été réalisé avec le soutien du Figaro Magazine, de la Région Occitanie et de la SCAM. Deux autres reportages concernant les Etats-Unis sont aussi proposés au Couvent des Minimes de Perpignan.
(1) Bagatelle de Maurice Denuzière (Editions Jean-Claude Lattès, 1981)
(2) La Louisiane aujourd'hui par Michel Tauriac (Editions J.A., 1986)