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Faire connaître la Louisiane et les Catalognes : Lieux, histoire et événements.

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Amitiés d'outre-Rhin (16)

 

 

Retour à Collioure...

 

 

La dernière fois que la ville de Collioure (Pyrénées-Orientales) a fait l'objet d'un article dans le cadre de ces amitiés d'outre-Rhin, c'était le 18 octobre 2023. Entre cette date et aujourd'hui, le port catalan a été élu Village préféré des Français lors d'une inoubliable émission présentée par Stéphane Bern sur France3, le 11 juillet dernier. Afin d'accéder à cette nomination suprême, Collioure a présenté (n'ayant aucun mal pour cela) tous ses attraits, quartier du Mouré avec ses maisons colorées, ses rues pentues et ses galeries d'art, Château royal dont les débuts de la construction remonte au 13ème siècle et église que domine l'ancienne tour du port d'Amont devenu clocher, ensemble protégé par deux forts construits tous deux sous Charles-Quint : le Miradou et le fort Saint-Elme.

Après la signature du traité des Pyrénées entre la France et l'Espagne le 7 novembre 1659, le roi Louis XIV décida de la transformation de la ville et du Château. L'aménagement d'un vaste glacis (terrain en pente douce devant les fortifications) nécessita la démolition de l'église attenante aux remparts. La nouvelle église fut consacrée en 1690. Le bâtiment, récemment restauré, est riche de neuf retables dorés dont deux sont l'oeuvre de l'artiste catalan Joseph Sunyer. La ville ne cessa depuis de se transformer et de s'étendre. En mars 1866 fut inaugurée la ligne de chemin de fer Perpignan-Collioure. En 1886, afin de créer une nouvelle plage pour l'accostage des bateaux de pêche, on relia par une digue l'îlot Saint-Vincent à l'église. On connaît peu et mal les dessins et gravures qui représentent Collioure dans les années 1820/1830. L'histoire de la peinture à Collioure semble commencer lors du séjour de Paul Signac dans les années 1880.

        

Le 16 mai 1905, le peintre Henri Matisse arrive à Collioure après qu'il eût présenté au salon des Indépendants (mars-avril 1905) son tableau Luxe, calme et volupté (Pourquoi cette incursion chez les théoriciens du "point" ? /1), et La Terrasse, Saint-Tropez (Une des plus belles toiles des Indépendants. /1), toile peinte durant son séjour dans le Var, à proximité de la villa (La Hune) de Paul Signac. Ce dernier avait séjourné à Collioure de juillet à octobre 1887 et en avait ramené des "opus" méditerranéens - comme il désignait ses toiles à l'époque - dont certains avaient été exposés lors de cinquième exposition des XX à Bruxelles l'année suivante comme Collioure, le Clocher maintenant exposé au musée Kröller-Müller à Otterlo (Pays-Bas). "Il y eut une période dans la vie de Matisse où il se chauffait au même soleil que Signac", écrira Marcel Sembat en 1920. (1) André Derain, que Matisse a rencontré en ce début d'année 1905 et qu'il a encouragé à exposer aux Indépendants, rejoint le peintre natif en 1869 du Cateau-Cambrésis au mois de juillet. L'épouse de Matisse, Amélie, écrit sur une carte postale adressée à l'épouse du peintre Henri Manguin (en villégiature à Saint-Tropez) que les deux artistes "travaillent ferme, malgré la chaleur". Près de l'église, sur la terrasse d'une maison du Boramar (port d'Amont), "s'ils travaillent côte à côte sur les mêmes motifs (le port d'Avall, le Boramar, les plages, l'église), leur façon de traiter la paysage, et d'y associer la figure est très différente." (2) A l'époque du séjour des deux artistes, Collioure est un village de pêcheurs (sardines, anchois) et d'expéditeurs des produit de la pêche ainsi que de viticulteurs qui sur des vignobles en terrasse produisent des vins de Grenache et Rancio. "Derain y inscrit la vie quotidienne des pêcheurs (...) capte (...) le rythme de leurs différentes occupations (...) Matisse (...) continue à travailler la figure et le nu, notamment sa femme Amélie, son principal modèle de l'époque." (2) Les deux peintres exposeront leurs oeuvres de Collioure au salon d'Automne (18 octobre-25 novembre 1905). Matisse y présentera, entre autres, La Fenêtre ouverte, sur le port et ses bateaux de pêche, "des bariolages informes ; du bleu, du rouge, du jaune, du vert, des taches de coloration crue juxtaposées au petit bonheur", comme l'a écrit dans le Journal de Rouen un critique (M. Nicolle) bien avisé. (1) Mais passons ! Matisse fera plusieurs séjours à Collioure y scolarisant même ses fils.

A la fin du mois d'août 1911, Matisse retrouve Collioure après plusieurs voyages riches en couleurs, Alger, Biskra (1906), Florence, Sienne (1907), Munich, Nuremberg (1908), Grenade, Séville (1910). Entre temps il a créé à Paris une académie qui porte son nom dans le couvent des Oiseaux, rue de Sèvres. Vendu au printemps 1908 à une société immobilière, l'académie sera contrainte de déménager et s'installera dans les bâtiments d'un autre couvent, au coin du boulevard des Invalides et de la rue de Babylone. Elle y restera jusqu'en 1911. L'académie Matisse compte surtout des élèves venus de l'étranger : Etats-Unis, Scandinavie, Allemagne, Hongrie. L'élève le plus assidu de l'académie s'appelle Hans Purrmann. Il est allemand. Il est né à Spire en 1880. Après des études à l'école des beaux-arts de Karlsruhe puis à celle de Munich, il prend des cours de dessin auprès de Lovis Corinth et participe à des expositions de la Sécession de Munich entre 1903 et 1906 et à celles de la Sécession berlinoise dont il devient membre en 1907. Il s'installe à Paris et devenu un proche de Matisse, il contribue à faire connaître le peintre français en Allemagne. Le collectionneur allemand Karl-Ernst Osthaus achète Nature morte aux asphodèles qui est immédiatement exposée à Hagen (1907) ; la même année, Matisse expose à la 14ème Sécession de Berlin puis à Hagen en 1909 ; cette même année, Hugo von Tschudi achète pour son musée Nature morte au géranium ; l'année suivante, Matisse expose à Düsseldorf, à Leipzig et visite à Munich avec Albert Marquet, Hans Purrmann et Albert Weisgerber une exposition d'art islamique (octobre 1910). 

En août 1911 donc, Matisse part pour Collioure où se trouve déjà Hans Purrmann. Il a loué la maison voisine de Matisse. Il découvre les endroits que Matisse apprécie, les paysages aux couleurs changeantes en fonction des heures et rend compte dans ses toiles de l'éclatante luminosité de la Côte Vermeille. Il se promène dans le jardin d'acclimatation de la Villa Palmar créé par le botaniste Charles Naudin en 1868. Purrmann peint la végétation qu'il y voit : pins, palmiers, oliviers. A Collioure, séjourne aussi une élève de Matisse : Olga Merson. Matisse les présentent au peintre d'Elne Etienne Terrus. 

La Première Guerre mondiale survient. Hans Purrmann rentre en Allemagne et rejoint sa belle-famille près de Stuttgart. Matisse séjourne à Collioure pour la dernière fois (septembre-octobre 1914). En janvier 1916, Matisse demande à son épouse de déménager l'atelier de Collioure (avenue de la Gare) et de donner congé au propriétaire. 

Deux élèves de Matisse en son académie, mourront au combat : Walter Alfred Rosam en août 1916 et Franz Nölken en novembre 1918. Quant à Albert Weisgerber (cité plus haut), il mourra en mai 1915 sur le front d'Ypres (Belgique). 

 

Quelques personnalités marqueront Collioure de leur empreinte. Willy Mucha, né à Varsovie en 1905, qui fut pensionnaire à l'âge de neuf ans chez un professeur à Heidelberg (Allemagne), passa une bonne partie de sa vie à Collioure. Habitant une maison de la rue Miradou avec terrasse donnant sur la baie et Argelès-sur-Mer, il y recevait souvent le peintre allemand Max Ernst - qu'il avait rencontré à Paris dans les années 1950 - et son épouse Dorothéa Tanning. "Ce qui me surprit chez lui, (...) c'était sa jovialité, un certain humour subtil frôlant l'ironie, le tout d'une éclatante franchise", écrira bien après le décès de Ernst (survenu en 1976) Willy Mucha dans une autobiographie. (3) 

Joseph Kessel, durant l'hiver 1959-1960, séjournera à Banyuls-sur-Mer avec son épouse (décédée à Collioure en décembre 1980) et déjeunera souvent aux Templiers à Collioure à une époque où de nombreux films furent tournés dans le port catalan comme Le fils de Caroline Chérie (1954) de Jean Devaivre avec Brigitte Bardot et Jean-Claude Pascal, ou Et Satan conduit le bal (1962) de Grisha Dabat avec Catherine Deneuve.

 

Terminons ce chapitre par la visite du musée d'Art moderne de Collioure créé par le peintre Jean Peské (1870-1949). De son vrai nom Jan Miroslav Peské, il est né en Ukraine d'une famille d'origine polonaise. En 1891, il se rend à Paris, fréquente l'académie Julian, découvre la peinture de Paul Sérusier et de Maurice Denis mais avoue une préférence pour Henri de Toulouse-Lautrec avec qui il fréquente le Moulin Rouge. Au fil des rencontres, il est invité à Saint-Tropez par Paul Signac, peint quelques toiles pointillistes mais se détache vite de ce procédé pour attaquer la couleur en larges touches. Il expose aux Indépendants dès 1895. Une exposition en 1901 lui vaut les félicitations de Camille Pissarro. Il épouse la sculptrice d'origine russe Catherine Louchnikoff venue à Paris suivre l'enseignement de Rodin et de Bourdelle. Elle abandonnera vite une carrière prometteuse pour poser pour son mari. Le couple séjournera à Collioure mais devra en partir pour des raisons de santé, Jean Peské devant séjourner pour convalescence à Barbizon. Le couple s'installera ensuite à Bormes dans le Var. Naturalisé français en 1921, Jean Peské souhaitait créer un musée à Collioure. Dès 1934, il sollicitera les artistes qu'il affectionne pour les faire connaitre du public. Jusqu'à se mort en 1949, il oeuvrera pour faire de ce petit musée un lieu digne de ce nom. D'abord installé dans la salle des mariages de l'ancienne mairie de Collioure (Place du 18-Juin), le musée pendra possession, en 1985, de la villa ayant appartenu à l'homme politique Gaston Pams à côté du couvent des Dominicains du 13ème siècle. Le musée accueille des expositions temporaires qui font connaitre l'histoire de la peinture à Collioure.                           

 

 

(1) Extrait de la critique de Louis Vauxcelles dans Gil Blas, le 23 mars 1905. Phrases citées dans le catalogue de l'exposition Henri Matisse 1904-1917, Centre Georges Pompidou, 25 février-21 juin 1993. La citation de Marcel Sembat s'y trouve aussi, comme celle de M. Nicolle. [Le salon des Indépendants a été créé en 1884.]

(2) Catalogue de l'exposition Méditerranée de Courbet à Matisse, Galeries nationales du Grand Palais, 19 septembre 2000-15 janvier 2001.

(3) A l'ombre du clocher par Willy Mucha (Editions Eole, Paris, 1989). 

 

Sources :

 

Collioure, ses origines, son passé, son rôle dans l'histoire du Roussillon par le général Jean-François Caloni, né à Collioure en 1859 et décédé en 1937 (Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris 2003).

 

  

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Collioure (Pyrénées-Orientales)

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