Les funiculaires grimpent toujours plus haut (2/2)

Les groupes, les familles, les couples, les célibataires, les solitaires, les esseulés se pressent vers l'esplanade où se dresse la façade de la basilique. La première façade de la basilique devrais-je dire. Une façade simple, minimaliste, avec quelques inscriptions en latin et des statues en son centre, une façade 20ème siècle qui domine une place ou esplanade aménagée à la fin des années 1920 par l'architecte catalan (dois-je le préciser ?) Josep Puig i Cadafalch (décédé en 1956), auteur, entre autres, du bâtiment qui depuis 1896 abrite le café et restaurant Els 4 Gats, du Palau del Baró de Quadras (1904), de la Casa de les Punxes (1905), tous étant à Barcelone (dois-je le préciser ?). Derrière cette première façade, après avoir patienté dans une longue file munie de billets d'entrée, s'en dresse une seconde que l'on découvre depuis un grand patio - si j'étais savant je parlerais de narthex - aux murs décorés de sgraffites. Cette façade, plus monumentale et plus travaillée que la précédente, comporte trois portails encadrés de colonnes à chapiteaux corinthiens au-dessus desquels ont été posées les statues des apôtres entourant leur maître, leur guide, leur étoile. Pour celles et ceux qui n'ont pas eu la chance de pouvoir pénétrer dans la basilique, un écran géant retransmet en direct-live une cérémonie animée par la chorale liturgique composée depuis des siècles (c'est peut-être la plus ancienne d'Europe) de jeunes garçons scolarisés aussi sur place. Les gens vont et viennent sur l'esplanade, s'assoient sur les marches, regardent les danseuses qui tournoient avec leurs cerceaux (pour le Ball de Cercolets), admirent ce qui reste du cloître gothique construit en 1476 (no picnic), prennent des photos, se prennent en selfies, instantanés Instagram, am, stram, gram, pic et pic et colégram. Pour visiter Montserrat, nul est obligé de savoir parler et lire le catalan, le castillan ou tout autre idiome, car tout ici est automatique, les parcomètres, les prises pour recharger les véhicules électriques, les distributeurs de billets banque et de chemin de fer, donc tout ! Pour celles et ceux qui veulent prendre de la hauteur (après tout le monastère de Montserrat n'est qu'à 705 mètres d'altitude), des funiculaires partent tous azimuts pour des cimes encore plus hautes, encore plus spectaculaires, encore plus vertigineuses comme le funiculaire de Sant Joan qui vous mènera à un ermitage éponyme et celui de Santa Cova qui vous conduira jusqu'à une grotte miraculeuse. Des sentiers forestiers vous conduiront vers d'autres ermitages en vous faisant passer devant des pics aux noms étranges : L'Elefant (pas de "ph" et pas besoin de traduction), la Prenyada (comme attendre un heureux événement), la Mómia (la momie). La forêt environnante est dit-on peuplée d'elfes. C'est en tout cas ce que croyait la poétesse Marià Manent (native de Barcelone), dans des vers issus de son recueil intitulé La ciutat del temps (1961) : "Els elfs (...) tímids (...) escolten la dolçor del cant que surt de l'ombra, confós amb les campanes", c'est-à-dire que les elfes timides écoutent la douceur du chant qui jaillit de l'ombre, confondu avec les cloches. 

Le soleil disparaissant peu à peu derrière les rochers qui surplombent l'esplanade de la basilique, il est temps pour le touriste de quitter ce lieu enchanté et de reprendre la route qui descend sur neuf kilomètres vers Monistrol de Montserrat ou de reprendre le chemin de fer à crémaillère qui dévale vers la même direction. Une journée bien remplie et pleine de souvenirs. 

Dans un prochain chapitre nous visiterons le Musée de Montserrat. 

Monastère de Montserrat (Catalogne)