1925
[Année sous le signe du Toro selon l'astrologie chinoise]
Annoncer en préambule que l'année 1925 a brillé de mille feux et commencer la rétrospective de ladite année avec trois décès, il y a un peu d'abus, ne croyez-vous pas ? Dans une rétrospective de l'année 1925, année aussi folle que les précédentes, on était en droit de s'attendre à des spectacles enchantés avec paillettes, strass et jazz bands aux Folies Bergères ou au Casino de Paris. Que nenni ! Trois décès ; tout ceci n'est pas très glamour ! Mais, après tout, les souhaits de bonne et heureuse année n'empêchent ni les drames ni les douleurs, les pleurs et les grincements de dents. Voulant me remémorer (ma mémoire serait-elle si défaillante ?) les noms de celles et ceux qui sont décédés depuis le 1er janvier de cette année, je lis après avoir innocemment écrit sur un moteur de recherches "personnes célèbres décédées en janvier 2025", qu'un site propose de connaître "les 50 célébrités qui pourraient mourir en 2025". SIC & LOL ☺ Enfin, si la mort les amuse, laissons-les vivre dans leurs fantasmes funestes et leurs prédictions ridicules.
2 mars - Le gouvernement anglais nouvellement dirigé par Stanley Baldwin rejette le "Protocole de Genève" initié par Edouard Herriot qui avait pourtant eu (le 1er octobre 1924) les faveurs de son prédécesseur Ramsay MacDonald. Ce Protocole devait garantir l'arbitrage entre nations, la sécurité en Europe et à moyen terme le désarmement.
21 mars - Création à l'Opéra de Monte-Carlo de la fantaisie lyrique en deux parties, L'Enfant et les sortilèges, écrite par Colette pour le livret et Maurice Ravel pour la musique. La musique de Maurice Ravel mélange divers styles : menuet, habanera, polka, jazz, ragtime, music-hall...
1er avril - Philippe Soupault écrit dans la Revue européenne un article à propos de poèmes que Paul Eluard vient de publier sous le titre Au défaut du silence. L'article parait avec un portrait de Paul Eluard par André Masson. Philippe Soupault écrit : "Voici quelques poèmes que je tiens pour les plus beaux que l'on ait écrits depuis Baudelaire."
9 avril - Décès à Paris de Henry Lapauze, critique d'art, grand spécialiste de la peinture de Dominique Ingres (natif de Montauban comme lui) et directeur de la revue La Renaissance Politique, Littéraire et Artistique.
10 avril - Le gouvernement Herriot est renversé. Demandant au Parlement, le relèvement de 4 milliards du plafond de la masse fiduciaire en circulation (plafond fixé à 41 milliards par une loi de 1919), le président du Conseil est vilipendé par Poincaré et le Sénat qui ne lui laissent d'autre choix que de remettre la démission de son Gouvernement au président de la République. La chute de ce gouvernement met fin au mandat de Victor Dalbiez en tant que ministre des Régions libérées. Victor Dalbiez, député des Pyrénées-Orientales de 1924 à 1927 avait remporté sous l'étiquette "Cartel des gauches" en 1924 l'un des trois sièges de député pour ce département. En tant que ministre des Régions libérées, il entendait "poursuivre une politique des réparations en nature aussi efficace que possible" et soutint avec succès le budget de son Ministère pour l'exercice 1925.
15 avril - Parution du N°3 de la Révolution Surréaliste dont le sommaire a été confié à Antonin Artaud. Y paraissent Note sur les beaux-arts par Pierre Naville, des reproductions d'oeuvres de Paul Klee et un article par Michel Leiris intitulé Glossaire, j'y serre mes gloses.
16 avril - La livre sterling vaut 100 francs.
17 avril - Le président de la République Gaston Doumergue charge Paul Painlevé (républicain socialiste) de constituer un nouveau gouvernement qu'il présente à la Chambre le 21 avril. Voyant que Joseph Caillaux en fait partie en tant que ministre des Finances, la droite montre sa réprobation par des sifflets et des cris. Le gouvernement est cependant investi par 304 voix contre 217 et 41 abstentions.
Tenu éloigné du pouvoir depuis de longues années, le nouveau ministre des Finances trouve une situation économique qu'il connaît mal. Spécialiste des problèmes budgétaires et de la fiscalité, il doit faire maints efforts pour assimiler rapidement toutes les données complexes de la crise de Trésorerie à laquelle la France est confrontée. Plus tard dans ses Mémoires, Joseph Caillaux évoquera les difficultés qu'il eut à affronter lors de son entrée au ministère des Finances : "Prenant position dès que je rentrai au Louvre contre ces dangereuses chimères, réclamant une augmentation de 3 à 4 milliards d'impôts, je perdis presqu'immédiatement l'appui de la gauche avancée, tandis que l'arrêt de la Haute-Cour, qui, malgré l'amnistie, pesait sur l'opinion parlementaire, me mettait dans l'impossibilité de rallier autour de moi une majorité nationale."
Joseph Caillaux (1863-1944) a été inspecteur des Finances, député de la Sarthe entre 1898 et 1919 puis sénateur (Gauche Démocratique) de la Sarthe de 1925 à sa mort. Ministre des Finances avant la Première Guerre mondiale, il a toujours été pour économiser les deniers de l'Etat, pour la compression des dépenses et pour la majoration des recettes. Vivement attaqué dans les colonnes du Figaro sur sa politique et sa vie personnelle, son épouse Henriette assassine Gaston Calmette, directeur dudit journal* dans son bureau le 16 mars 1914. Opposé à la guerre et souhaitant une paix rapide avec l'Allemagne, il est arrêté en 1918 sous le chef d'inculpation d'intelligence avec l'ennemi, condamné à de l'emprisonnement et à la privation de ses droits politiques. Amnistié en 1924, il peut ainsi reprendre sa vie politique comme parlementaire et ministre. Nommé ministre des Finances en 1925, il est accueilli à gauche comme un "sauveur" capable de rétablir une situation financière désastreuse.
Quant au ministre des Affaires étrangères de ce gouvernement Painlevé, il s'appelle Aristide Briand dit "l'apôtre de la paix". Aristide Briand (1862-1932), natif de Nantes, fils de cafetiers, grandit dans le café de la Croix-Verte tenu par ses parents (12 rue du Marchix) avant d'être admis comme boursier et interne au collège de Nantes en 1878. A la fin de la troisième, il obtient le prix du Discours français décerné par l'Académie de Rennes. Bachelier, il entre en qualité de clerc amateur chez un notaire de Saint-Nazaire avant d'étudier le droit à Paris. Etudiant, il est employé dans une étude d'avoué et s'installe sur la rive droite dans un petit logement au 65 de la rue de Cléry. Etudiant en droit depuis un an, il travaille comme journaliste à La Démocratie de l'Ouest. Son premier article est publié le 17 août 1884. Avocat dudit journal après l'avoir quitté, il doit plaider en sa faveur à cause d'un article anticlérical paru en février 1888 qui pointant du doigt un abbé qui se sentant blessé a porté plainte pour diffamation. C'est la première fois que Aristide Briand plaide devant une Cour d'Assises. En 1889, il est candidat aux élections législatives dans l'arrondissement de Saint-Nazaire. Son programme : Suppression du Sénat ou tout au moins son élection par un mode de scrutin plus conforme aux principes du suffrage universel ; séparation des Eglises et de l'Etat et suppression du budget des Cultes ; augmentation du traitement des petits employés et des instituteurs ; suppression de l'inamovibilité des juges ; magistrature élue. N'arrivant qu'en troisième position, il se désiste en faveur de celui qui est arrivé premier, ce dernier étant élu le dimanche suivant. En 1902, il est élu député de Saint-Etienne (il le restera jusqu'en 1919). En 1906, il obtient le ministère de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes. Il devient président du Conseil pour la première fois en 1909. Pendant la Première Guerre mondiale, il est président du Conseil d'octobre 1915 à octobre 1916 puis de décembre 1916 à mars 1917. La démission de son ministre de la Guerre, le général Lyautey, entraîne la chute de son Gouvernement. Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères en janvier 1921, il reste à ce dernier poste sans interruption du 23 juillet 1926 au 12 janvier 1932, deux mois avant son décès survenu le 7 mars.
18 avril - Louis Aragon prononce une conférence à la Residencia de los Estudiantes de Madrid (Espagne). Il loge à l'hôtel Nacional, paseo del Prado.
20 avril - André Breton ferme définitivement le Bureau de recherches surréalistes de la rue de Grenelle.
22 avril - Décès du compositeur et chef d'orchestre André Caplet.
23 avril - Echauffourée rue Damrémont (Paris 18è) entre des militants de la Ligue des Patriotes venus assister dans le quartier à un meeting pour les élections municipales des 3 et 10 mai où Pierre Taittinger (député de la Seine réélu en 1924 sous l'étiquette Union Républicaine Démocratique et président fondateur des Jeunesses patriotes, farouche adversaire des communistes) doit prendre la parole et des militants communistes : 4 morts, nombreux blessés.
27 avril-8 mai - Exposition Quelques oeuvres de Claude Monet, Raoul Dufy, Vlaminck à la galerie Bernheim-Jeune (Paris).
28 avril - Inauguration de l'Exposition internationale des Arts décoratifs et Industriels modernes par le président de la République Gaston Doumergue. Cette exposition prévue pour durer jusqu'au 25 octobre réunit dans 150 pavillons, constructions éphémères de style Art déco, les réalisations d'environ vingt mille créateurs, artistes et artisans dans les domaines de la joaillerie, orfèvrerie, mobilier, céramique, peinture, haute couture... Une ville dans la ville a été créée de toutes pièces pour l'occasion entre la place de la Concorde et le pont de l'Alma ainsi que des Grand Palais et Petit Palais aux Invalides. Si une vingtaine de nations ont été conviées, l'Allemagne en a été exclue d'office et les Etats-Unis ont décliné l'invitation. Des pavillons imaginés par Robert Mallet-Stevens, Le Corbusier (qui depuis septembre 1924 a installé son atelier au 35 rue de Sèvres, atelier qu'il gardera jusqu'à sa mort en 1965) et Tony Garnier sont disséminés dans les périmètres cités ci-dessus et, sur l'esplanade des Invalides, entre quatre tours monumentales, quatre bâtiments mettent à l'honneur les ateliers d'art des grands magasins parisiens.
Avril - Est jouée au théâtre des Bouffes-Parisiens, l'opérette P.L.M. sur une musique de Henri Christiné.
3 et 10 mai - Elections municipales. Bien que n'ayant pas le droit de vote et n'ayant pas la possibilité de se faire élire, plusieurs femmes sont élues dans des conseils municipaux de la région parisienne ainsi qu'à Douarnenez (Finistère). Dans ce dernier département, Joséphine Pencalet, ouvrière dans l'une des nombreuses conserveries de la ville dirigée par un communiste depuis 1921, est élue conseillère municipale au premier tour, élection qui sera invalidée six mois après.
4 mai-17 juin - Conférence sous les auspices de la SDN (Genève) sur le contrôle du commerce international des armes et des munitions. Le 17 juin, est signé un protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques.
6-30 mai - Exposition de toiles récentes de Giorgio de Chirico à la galerie de l'Effort moderne (Léonce Rosenberg), 19 rue de la Baume.
6 juin-6 juillet - Exposition d'art ancien espagnol à l'hôtel Charpentier, 76 rue du faubourg Saint-Honoré.
12 juin - Décès du philosophe et sociologue Henri Joly qui outre ses ouvrages consacrés à la criminologie a écrit sur Ignace de Loyola.
12-27 juin - Exposition personnelle de Joan Miró à la galerie Pierre, 13 rue Bonaparte. Le catalogue est préfacé par Benjamin Péret. Le vernissage débute à minuit. Cinq cents personnes s'y pressent.
15-29 juin - Exposition Jean Cocteau - dessins, documents et mise en scène à la galerie Briant-Robert, 7 rue d'Argenteuil.
24 juin - Parution de Une interview de Paul Claudel à Florence dans la revue Comoedia. Après avoir évoqué le symbolisme, Paul Claudel qui est en Toscane pour y donner une conférence dans le cadre d'une foire aux livres, fait la déclaration suivante : "Quant aux mouvements actuels, pas un seul ne peut conduire à une véritable rénovation ou création. Ni le dadaïsme, ni le surréalisme qui ont un seul sens : pédérastique." André Breton en particulier, heurté par ce qualificatif et le groupe Surréaliste en général, répliquent le 1er juillet par une Lettre ouverte à M. Paul Claudel, Ambassadeur de France au Japon.
Courant juin, ouverture rue de Berri (Paris 8ème) de l'Hôtel California en lieu et place de l'hôtel particulier du couple de mécènes et passionnés d'art Polignac-Singer. Le bâtiment est conçu par l'architecte Louis Duhayon qui a, à Paris et à Biarritz, imaginé de nombreux hôtels dont le Royal Monceau (avenue Hoche) ouvert quelques années plus tôt.
* Depuis la fin du 19ème siècle, les bureaux du journal Le Figaro se trouvaient dans un hôtel particulier (démoli depuis) sis au numéro 26 de la rue Drouot (9ème arrdt) à Paris.
La partie politique de cet article a été écrite grâce à la lecture - et aux prises de notes -, il y a bien longtemps à la bibliothèque du Centre Pompidou (Paris) de l'ouvrage en 7 volumes de Edouard Bonnefous intitulé Histoire politique de la IIIème République.
Quant à la partie artistique, elle a été écrite grâce à la lecture d'ouvrages divers, catalogues d'expositions, revues d'art, journaux, etc.
Il ne s'agit en aucun cas de lignes rédigées par une quelconque intelligence aussi artificielle soit-elle. Qu'on se le dise !