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14 janvier 2025 2 14 /01 /janvier /2025 11:17

 

 

Je viens de finir la lecture du livre d'Eddy Mitchell intitulé Autobiographie sorti dans toutes les "bonnes" librairies en novembre dernier. Deux cent trente-quatre pages de confidences où Claude Moine alias monsieur Eddy, alias Schmoll parle de lui depuis sa naissance jusqu'aux jours présents qu'il passe, tranquille, dans sa maison de Saint-Tropez après une riche carrière d'auteur-interprète et d'acteur. Il est vrai que la vieille canaille du rock'n'roll s'est peu confiée au cours des six dernières décennies et surtout pas aux journaux que dans les années 1960 et 1970 on disait à scandale et que l'on appelle désormais "presse people", influence des States sur notre vie quotidienne oblige. Seules quelques paroles dans certaines chansons donnaient quelque indication mais sans plus : les "fortifs" en bas de chez lui où il a fumé sa première cigarette, la rue des Solitaires où il allait à l'école, la place des Fêtes où sur sa mobylette il singeait James Dean, les tournées "galas-galères", bref pas de quoi alimenter moult articles sur sa vie privée désormais dévoilée dans ce livre. Et ici, au fil des chapitres, on peut dire que Eddy Mitchell parle cash. Tout est dit : sur ce qu'il aime et n'aime pas, les acteurs qu'il apprécie, les réalisateurs qu'il déteste, la politique qu'il exècre, son rapport ambivalent avec les Etats-Unis où il a enregistré bon nombre d'albums, etc. Je ne reproduirais ici aucun extrait dudit livre même si je n'y ai trouvé en première comme en dernière page aucune interdiction comme on pouvait en lire à une certaine époque du genre : "Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays, y compris la Russie". Cependant et bien que n'ayant pas eu la vie trépidante de monsieur Eddy - loin s'en faut -, je parlerai ici cash moi aussi.

 

Eddy Mitchell, on l'écoutais chez moi et certains parents nés tout juste après la guerre en étaient accros dans les années 1960. Seulement voilà, dans ces années-là, j'écoutais Johnny. Oui j'appréciais le Johnny que je voyais sur l'écran de cette télé que mes parents avait achetée en 1967 et qui ne comptait que deux chaînes, dans des émissions où il criait beaucoup en se roulant par terre veste ouverte laissant entrevoir son torse. Voilà ce que j'appréciais chez Johnny, ses hurlements et son torse. Nous habitions alors au 285 de la rue de Belleville (téléphone : Bolivar 80-85). Ne cherchez pas l'immeuble de ce temps-là, il a été démoli à la fin des années 1970, le brutalisme des trente dites glorieuses ayant eu raison des vieilles pierres de la Belle Epoque. Je me souviens du jour où ma mère est rentrée du travail avec un 45 tours (deux titres) dans son sac où sur la pochette illustrée d'une photo prise par Tony Frank, Johnny est de profil, chapeau en cuir sur le chef jouant de la guitare devant un micro et chantant probablement Que je t'aime, chanson écrite rien que pour lui par J. Renard et Gilles Thibaut. Mais la chanson que je préférais était celle de la face B, Voyage au pays des vivants écrite par Micky Jones, Tommy Brown et Long Chris, 3 minutes et 37 secondes de pure merveille.* Avec des camarades de classe - j'étais alors en CM1 -, je chantais, dans la cour de récréation, "le jour de ma naissance un scarabée est mort, je le porte autour de mon cou..." en hurlant cela allait de soi sous l'oeil réprobateur de l'institutrice qui nous surveillait. Quelques années plus tard, on m'offrait un 45 tours de Johnny (en 1972 je crois) avec deux chansons, Avant et Tu peux partir si tu le veux**, deux titres dont certainement seuls les fans de Johnny se souviennent car déjà entre Johnny et moi ce n'était plus l'amour fou. En 1972, ma vedette préférée s'appelait Gilbert Montagné. C'est comme ça, on ne peut pas être fidèle à quelqu'un durant toute sa vie. Eddy Mitchell à cette époque je n'y pensais pas (même pas en rêve) et ne sais si dans ma famille on l'écoutais encore. Mais Mitchell, pardon, monsieur Eddy, n'allait pas tarder à réapparaître dans ma vie. Un première fois, alors que je passais le mois d'août chez mes grands-parents à Menton, des copains de vacances fredonnaient Pas de boogie woogie autour de la piscine à l'eau de mer du casino. Pas mal la chanson, alors que j'étais sans trop y croire élève dans une école privée de la rue Saint-Antoine. Puis pour de bon deux ans plus tard. V'là-t'y pas qu'au printemps 1978, sur une radio dite périphérique (à l'époque ce ne pouvait être que RTL ou Europe 1), j'entends une chanson d'Eddy Mitchell extraite de son album La dernière séance et intitulée Sens unique. L'air me plait ; le texte aussi. Les élections législatives de mars avaient redonné la majorité aux conservateurs mais on se prenait à espérer en des jours meilleurs. Je me précipite chez le premier disquaire venu (peut-être celui de la rue de Belleville près de la Porte des Lilas ?) et j'achète le 45 tours.*** Mais c'est la face B qui aura ma préférence et qui me fera devenir un fan inconditionnel de Eddy Mitchell : Le chanteur du dancing. Pendant longtemps, je n'ai connu de son album La dernière séance que ce 45 tours. Je n'ai acheté l'album (en fait un CD sorti en 2001) que bien des années après, album qui ne provoque pas chez moi un enthousiasme débordant. A part les chansons La Dernière séance et Le chanteur du dancing, bof bof ! De plus, Eddy y chante une chanson en hommage à Elvis qui pour moi incarne une Amérique ringarde et cucul. Mais cette rencontre fut une belle rencontre et c'est alors que je quittai définitivement Johnny pour Eddy. Pour revenir à la chanson La dernière séance, j'au toujours pensé que Eddy parlait du cinéma "Féerique", 146 rue de Belleville (téléphone : Ménilmontant 66 21) et proche de la rue des Solitaires, fermé au début des années 1970 et transformé comme dans la chanson en supermarché. Je suis peu allé au "Féerique", plus souvent au "Tourelles", 259 avenue Gambetta (téléphone : Ménilmontant 51 98) plus près de chez moi. Renseignements pris dans L'Officiel des Spectacles daté du 3 septembre 1969.  

En 1981, depuis ma chambre d'ado, je pouvais entendre deux chansons d'Eddy que ma voisine de palier un peu plus âgée que moi (elle se prénommait France je crois) écoutait à donf tous les soirs : Couleur menthe à l'eau et J'vous dérange. Sans avoir à ouvrir la porte de ma chambre, sans avoir à acheter le disque, sans rien faire ni demander, et surtout sans avoir à pirater ces enregistrements, ces chansons arrivaient jusqu'à mes oreilles chaque soir vers 21 heures. Je les connaissais par coeur. Puis j'ai quitté Belleville tout en haut de la ville pour cause de service militaire entre le 3 décembre 1981 et le 25 novembre 1982. Dans la chambrée où nous étions douze et où chacun écoutait des musiques diverses et variées à la radio où sur cassette, la chanson d'Eddy, Pauvre baby doll passait tous les soirs. Les paroles de cette chanson, ai-je entendu longtemps après, ont été étudié en classe de français comme un texte littéraire d'un grand auteur (pardon pour le pléonasme) du 19ème siècle, en particulier la phrase, "ils se sont tant aimés mais la vie les a doublés". Bravo monsieur Eddy ! Puis la vie de caserne étant ce qu'elle était, j'ai peu écouté Eddy Mitchell un troufion logeant dans une chambre contiguë à la mienne n'écoutant que l'album Bulles de Polnareff, encore et encore et encore... jusqu'à le connaître par coeur. Mais peu avant la quille, un garçon écoute sur K7 l'album que Mitchell venait d'enregistrer avec la chanson Le cimetière des éléphants. Je ne sais si tout en lui parlant (à ce garçon, non à Eddy) il s'agissait de la version New York ou L.A. (peut-être l'une à la suite de l'autre car il suffisait simplement de retourner la cassette pour entendre les deux versions d'affilée) mais je me souviens lui avoir dit que c'était pas mal du tout. Le service fini, après avoir chanté zéro, zéro, zéro (sur l'air de Ce n'est qu'un au revoir) pour indiquer que c'était le dernier jour, le jour de la libé et faire sortir des yeux de ceux qui restaient au régiment tristesse et larmes,  je me retrouvai alors seul dans ma chambre silencieuse (France avait déménagé ou changé de goûts musicaux) fin novembre, à un mois des fêtes de fin d'année, période peu propice pour trouver du boulot. Je ne dirais pas que Eddy Mitchell m'a sauvé la vie mais il a contribué à ce que les soirées ne soient ni tristes ni angoissantes à un moment de l'année où la nuit tombe trop tôt. J'avais bien sûr acheté la K7 de l'album Eddy que j'écoutais en boucle chaque soir. Un vrai régal ! Mes chansons préférées : Le cimetière des éléphants, Mauvaises vibrations (celle-là j'aurais pu l'écouter toute la nuit), Elle ne rentre pas ce soir et une version toute "Mitchellienne" de Lucille de Michel Jonasz. J'avoue avoir été très déçu lorsque j'ai entendu bien des années plus tard Jonasz lui-même interpréter sa propre chanson. Un an après, étant invité chez un collègue et sa copine dans leur petit deux pièces à Saint-Mandé, la radio crachait des chansons que ladite copine n'aimait pas mais pas du tout. Elle avait un caractère bien trempé et elle demanda fermement à mon collègue (son petit ami donc) de changer de fréquence pour trouver une antenne plus à son goût jusqu'à ce que ce fit entendre une chanson qui ne sortit qu'en 45 tours (en novembre 1983) et jamais sur 33 centimètres : L'Amour est vraiment fort. Une merveille, une pépite, de l'or en barre ! 

J'avais vaguement envisagé d'aller voir Eddy Mitchell au Palais des Sports en 1984 mais peut-être faute de moyens, mon salaire net d'employé aux écritures en novembre de cette année-là n'étant que de 4116,52 francs (627,56 €, mais la conversion tient-elle la route?) ou peut-être n'y avait-il plus de places, j'y avais renoncé. Il me faudra attendre novembre 1990 (voir billet d'entrée ci-dessous ; la première partie était assurée par Véronique Rivière) pour voir sur scène le grand Eddy Mitchell après avoir bien apprécié les albums Eddy Paris Mitchell en 1986 (avec Ku Klux Klan une chanson tellement étatsunienne), Mitchell l'année suivante (Femme F.M. et Quelqu'un qui m'aime, deux bijoux), ici Londres en 1989 (Under the rainbow, je ne dirai que ça : Waouh!). J'aime beaucoup le Eddy Mitchell des années 1980 moins celui de la décennie suivante à part l'album Les nouvelles aventures d'Eddy Mitchell (1999) avec seize titres dont certains à se pâmer comme J'aime pas les gens heureux et Décrocher les étoiles. Pour moi, le meilleur album d'Eddy Mitchell dont étrangement il ne dit mot dans son Autobiographie. Si j'aime beaucoup Frenchy (2003) surtout Au bar du Lutetia, Jambalaya (2006) me laisse totalement froid (pour un plat qui d'habitude se mange chaud c'est cocasse !) dont la pochette est décorée d'un tableau de Thomas Hart Benton. J'aime beaucoup Eddy Mitchell mais je déteste ce qui a été le fondement de sa carrière artistique, les westerns par exemple. Oui, je déteste les westerns même si j'en ai été abreuvé dans les années 1960 au cinéma "Tourelles". Je suis né quinze ans après la guerre et déjà c'était "America first". Les westerns c'est toujours pareil, film après film, c'est des types qui se battent dans des saloons, des types qui se tirent dessus dans la rue, des femmes dans des diligences qui se font dévaliser par des malfrats, des indiens tués en toute impunité par des tuniques bleues. Bref, les westerns, très peu pour moi !

A la fin du siècle dernier, je ne saurais dire quand exactement, on me donne un billet pour un concert en plein air à Asnières avec vue imprenable sur le cimetière des Chiens. Je crois à une mauvaise blague. Je ne sais plus si c'est un parti politique ou une association du même acabit qui organisait le spectacle. Bref, j'y vais me disant que Eddy chantera deux ou trois chansons, histoire de chauffer le public puis laissera la place à un quelconque meeting de bas étage. Pas du tout ! Eddy Mitchell en grand professionnel a interprété une large partie de son répertoire, sapé comme un prince et enthousiaste comme toujours. Là je me suis dit que pour un concert gratuit, chapeau l'artiste, il ne s'est pas foutu de notre gueule. Certainement le meilleur souvenir que j'ai de Eddy Mitchell sur scène. En 2011, à Perpignan, je vois pour la dernière fois Eddy Mitchell en public accompagné par un Big band qu'il affectionne comme dans l'album Eddy Paris Mitchell. Vous avez remarqué que je n'ai parlé que du Eddy chanteur sans citer le Eddy acteur. Tout simplement parce que si j'aime Eddy comme chanteur, l'acteur me laisse perplexe. Sauf au théâtre où je l'ai vu jouer au théâtre de la Madeleine (c'était en février 2008) dans une pièce de Niels Arestrup (récemment décédé), Le Temps des cerises avec Cécile de France, mise en scène par Stéphane Hillel, acteur devenu metteur en scène, on se souvient de lui dans A nous les petites anglaises de Michel Lang en 1976. Eddy Mitchell y est époustouflant. Il raconte d'ailleurs dans son Autobiographie la différence selon lui entre jouer dans un film et jouer au théâtre. Un monde bien différent ; je le préfère sur les planches à le voir sur pellicule. 

Je n'ai pas écrit cet article pour me faire bien voir de lui, espérant de sa part une lettre élogieuse, mais j'ai avec Eddy Mitchell, peut-être parce que nous sommes deux enfants de Belleville, une relation spéciale et amicale alors que je ne lui ai jamais parlé et que je ne possède aucun autographe de lui. En lisant son livre, j'avais l'impression qu'il était là, dans la même pièce que moi et qu'il répondait à mes questions, que c'est moi qui rédigeait les lignes sous son bienveillant contrôle. Ce livre raconte toute sa vie (ou presque) comme jamais auparavant il ne l'avait racontée : ses disques, ses tournées, ses films, ses mariages, ses enfants et petits-enfants. Je me souviens l'avoir entendu dans une émission de Jean-Louis Foulquier (sur France inter cette fois) dire quelque chose comme "c'est dur d'être grand-père quand on aime le cuir".

Voilà, c'est dit ! Longue vie à vous monsieur Eddy. Le chemin vers le cimetière des éléphants est encore long.                

              

Autobiographie par Eddy Mitchell est édité par Le Cherche Midi (novembre 2024).

 

* Le 45 tours de Johnny Hallyday avec les chansons Que je t'aime et Voyage au pays des vivants est sorti en 1969 sous la référence B 370.599 F chez Philips.

** Le 45 tours de Johnny Hallyday avec les chansons Avant (M. Mllory, J. Hallyday, M. Benois) et Tu peux partir si tu le veux (J. Hallyday, M. Mallory) est sorti sous la référence 6009 301 chez Philips.

*** Le 45 tours d'Eddy Mitchell avec les chansons Sens unique (Claude Moine, Pierre Papadiamandis) et Le chanteur du dancing (Claude Moine, Pierre Papadiamandis) est sorti en 1978 sous la référence 620394 chez Barclay. 

 

         

Billet d'entrée pour le concert d'Eddy Mitchell au Casino de Paris en novembre 1990

Billet d'entrée pour le concert d'Eddy Mitchell au Casino de Paris en novembre 1990

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