Faire connaître la Louisiane et les Catalognes : Lieux, histoire et événements.
Cent vingt ans après le premier séjour de Henri Matisse (1869-1954) dans le petit port catalan du département des Pyrénées-Orientales, le musée d'Art moderne de Collioure présente à partir du 7 juin 2025 (et jusqu'au 28 septembre) une nouvelle exposition intitulée Back to Matisse réunissant les oeuvres de treize artistes contemporains qui ont souhaité rejouer la partition matissienne, exposition placée sous l'égide de Pierre Schneider qui a consacré un ouvrage au peintre natif du Cateau-Cambrésis (Nord).
Henri Matisse a pour la première fois séjourné à Collioure entre mai et septembre 1905 rejoint par André Derain en juin. Installés dans le même hôtel, les deux peintres travaillent côte à côte à plusieurs de leurs tableaux réalisés depuis la terrasse d'une maison située sur le Boramar près de l'église et son célèbre clocher. "Plus l'été avance, plus les couleurs s'intensifie et plus le dessin se libère", peut-on lire dans le catalogue de l'exposition que le Centre Pompidou a consacrée à Matisse en 1993. (1) Albert Marquet voyant les peintures de Matisse et de Derain à leur retour du pays catalan dit "qu'ils ont fait des choses épatantes". (1)
Le salon d'Automne - créé deux ans plus tôt - qui ouvre au Grand Palais le 18 octobre 1905 (jusqu'au 25 novembre) présente, dans la salle VII, des tableaux des deux peintres ainsi que ceux de Manguin, Camoin, Marquet et Vlaminck, ce dernier après avoir décliné l'invitation de Matisse de le suivre à Collioure "reste à Chatou, ne pouvant voyager en raison de sa situation financière, et continue de travailler dans la vallée de la Seine". (2) Matisse y expose cinq peintures, trois dessins et deux aquarelles. Parmi les peintures figure La Femme au chapeau (3) immédiatement acquise par Gertrude Stein et son frère Leo, tableau pourtant décrié par Frantz Jourdain (créateur du dit salon) qui tente d'en interdire l'accrochage et qui selon le critique Camille Mauclair est "un pot de couleurs jeté à la face du public" (1) ainsi que le tableau Fenêtre ouverte qui regarde le port d'Avall et ses barques de pêcheurs dont a parlés André Gide dans Gazette des Beaux-Arts (1er décembre 1905) et surtout Louis Vauxcelles dans Gil Blas (17 octobre 1905), premier critique à avoir parlé de fauves pour désigner le groupe des peintres exposés dans cette salle.
Ce sont ces couleurs que l'on retrouvera lors de la nouvelle exposition de Collioure ouverte dès ce samedi jusqu'au 28 septembre. En marge de cette exposition, côté galerie du musée, seront présentées des oeuvres en céramique émaillée colorées et parcourues de dynamiques contraires et vives de l'artiste Claire Lindner, remplies des couleurs qui submergèrent Matisse et Derain à Collioure en 1905 : Au bord des flots mouvants.
(1) Extrait du catalogue de l'exposition Henri Matisse 1904-1917 au Centre Georges Pompidou du 25 février au 21 juin 1993. Pierre Schneider est souvent cité dans ce catalogue, notamment pour son ouvrage intitulé Matisse paru chez Flammarion en 1984 et celui intitulé "La charnière marocaine", Matisse au Maroc publié par l'éditeur Adam Biro en 1990.
(2) Extrait du catalogue de l'exposition Vlaminck un instinct fauve présentée au musée du Luxembourg (Paris) du 20 février au 20 juillet 2008. En avril 1905 était née la troisième fille du peintre l'empêchant de s'absenter de Paris pour des raisons financières.
(3) La Femme au chapeau est une huile sur toile de 80,6 sur 59,7 cm exposée désormais aux Etats-Unis mais qui a cependant été accrochée à Paris lors de l'exposition Matisse, Cézanne, Picasso... L'aventure des Stein au Grand Palais entre le 5 octobre 2011 et le 16 janvier 2012.