Faire connaître la Louisiane et les Catalognes : Lieux, histoire et événements.
En mai 1905, Henri Matisse arrive à Collioure et s'installe dans une auberge de l'avenue de la Gare et loue une chambre qui lui sert d'atelier avec vue sur le Boramar. Il ne tarde pas à se faire des amis parmi les artistes roussillonais. Il revoit Etienne Terrus qu'il a rencontré au salon des Indépendants qui s'est tenu de mars à avril 1905 à Paris alors qu'il y exposait plusieurs toiles dont Le Racou, sa plage préférée d'Argelès-sur-Mer. Par l'entremise de Terrus, Matisse rend visite à Aristide Maillol à Banyuls-sur-Mer. Lorsque Matisse arrive chez Maillol, ce dernier "exécutait la femme accroupie dont le bronze est placé dans le charmant patio de l'hôtel de ville de Perpignan". (1) Chez le sculpteur banyulenc arrivent aussi Georges-Daniel de Monfreid, ami de Gauguin, et Louis Bausil, le "peintre des pêchers en fleurs".
Georges-Daniel de Monfreid (1856-1929) réside souvent dans la propriété acquise par sa mère à Corneilla-de-Conflent dans les Pyrénées-Orientales et qui est "le lieu de rendez-vous des artistes roussillonais et des collectionneurs comme Fayet et Fabre" (2).
En 1890, il se lie avec Paul Gauguin qui vient de faire un séjour de six mois au Pouldu en Bretagne. Monfreid devient alors "le seul confident de Gauguin dont il répand le message". (2) Outre Monfreid, Gauguin se lie aussi en cette fin 1890 avec le poète symboliste Stéphane Mallarmé dont il fera un portrait en janvier 1891. Gauguin et Mallarmé "se tenaient mutuellement en haute estime. Sur une épreuve dédicacée au modèle, on peut lire : "au grand poète Mallarmé / Témoignage d'une très grande admiration". (3)
En 1894, Gauguin se rend à Bruxelles pour l'inauguration du premier salon de la Libre Esthétique. Accompagné d'un jeune journaliste, Julien Leclercq, Gauguin visite les musées de Bruges, Anvers et Bruxelles. "Comme il l'écrira dès son retour à son ami Daniel de Monfreid : "J'ai vu à Bruges des Memling, quelles merveilles, mon cher et puis après quand on voit Rubens (l'entrée dans le naturalisme) ça dégringole." (3)
A partir de 1894, Monfreid tient "des carnets journaliers sources de minutieuses informations" (2) Dans ses carnets, il note tout de son lever à son coucher : le déroulement de son travail, ses dépenses, sa passion pour le bricolage, ses amitiés artistiques et politiques.
En 1895, il expose Etude de nu féminin et reçoit les félicitations de Gauguin. En mai 1895, Monfreid voit Gauguin pour la dernière fois. Ce dernier s'apprête à partir pour Tahiti. Les deux hommes resteront en contact jusqu'à la mort de Gauguin en 1903. En 1897, Gauguin écrit à Monfreid de Tahiti une lettre "où l'artiste fait part d'une tentative manquée de suicide à l'arsenic", lettre qu'il accompagne d'un dessin de l'oeuvre qu'il vient d'achever : D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?
Quand il n'est pas à Corneilla, Monfreid vit rue Liancourt à Paris. C'est là que Gustave Fayet, viticulteur, collectionneur, céramiste et peintre mais aussi président de la Société des Beaux-Arts de Béziers, rend visite à Monfreid en octobre 1900 et achète deux toiles de Gauguin qu'il détient. Fayet augmentera tant sa collection de Gauguin au fil des années, qu'il possèdera en 1910 "trente-et-un tableaux et bois sculptés, cinquante-six gravures sur bois, et douze céramiques". (2)
En 1902, Gauguin qui s'est installé aux Marquises l'année précédente, "déchaîne les foudres des autorités coloniales en refusant de payer ses impôts et en encourageant les indigènes à la même rébellion. Il s'oppose à l'évêque en tentant de dissuader les indigènes d'envoyer leurs filles à l'école. Découragé, il écrit à Monfreid qu'il envisage d'aller s'établir en Espagne et publie un pamphlet à l'encontre du Gouverneur Petit". (3) En juillet 1902, Maillol expose chez Vollard. En octobre, "Gauguin écrit à Monfreid : "Maillol est un artiste de valeur." (2)
Gauguin meurt aux Marquises le 8 mai 1903. Monfreid n'apprend la nouvelle que le 2 août. Mette Gauguin, l'épouse danoise de Paul sera chez Monfreid à Corneilla en juillet 1905 pour régler "les comptes de la succession Gauguin avec Monfreid qui, en 1904, a reçu procuration de sa part pour recueillir l'héritage de son mari". (2)
(1) l'ABCdaire de Maillol (Flammarion, 1996)
(2) Extrait du catalogue de l'exposition 1894-1908 - Le Roussillon à l'origine de l'art moderne (Palais des Congrès de Perpignan, juillet -septembre 1998)
(3) Extrait du catalogue de l'exposition Gauguin - Les XX et la Libre Esthétique (Salle Saint-Georges, Liège, Belgique, octobre 1994-janvier 1995)
Photo : entre Port-Vendres et Banyuls (Pyrénées-Orientales).