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13 mars 2025 4 13 /03 /mars /2025 15:20

 

 

 

"Du fond du coeur, l'Amérique et la France sont des amies sincères. Cela étant, je ne peux pas voir comment un échec est possible dans leur coopération qui s'efforce d'enlever la guerre du code de l'humanité."

                                                                                   Paul Claudel, 10 avril 1928

 

 

 

Avril et mai 1925 : Louis Aragon est à Madrid où il doit prononcer une conférence (18 avril) à la "Residencia de los Estudiantes". Dans la capitale espagnole, il est descendu à l'Hotel Nacional qui s'élève au numéro 48 du paseo del Prado en face du Jardin botanique créé au 18ème siècle sur un terrain de huit hectares (à côté du musée du Prado). L'Hotel Nacional est un bâtiment de huit étages qui a été conçu au début des années 1920 par l'architecte Modesto López Otero qui, né à Valladolid en 1885, a été fortement influencé lors d'un séjour d'étude à Wien (Autriche) par les constructions d'Otto Wagner et par le style de la Sécession. Aragon loge donc dans un hôtel récent et bien situé, même si il n'y reste que quelques nuits. André Breton qui est alors à Paris travaille sur le prochain numéro de La Révolution surréaliste, revue fondée en décembre de l'année précédente et les mercredis après-midi (les 8, 15 et 22 avril puis le 6 mai) il rend visite à Jacques Doucet en son domicile du 46 avenue du Bois (future avenue Foch). Il espère obtenir une photographie du tableau de Picasso Les Demoiselles d'Avignon que le couturier et collectionneur a acquis quelques mois auparavant afin de pouvoir la reproduire dans la dite revue, ce qui sera fait dans le numéro 4, daté du 15 juillet. 

Quant à Paul Claudel qui passe l'année 1925 en France (depuis début avril), il part pour l'Italie au début du mois de mai afin de participer à la Foire du livre de Florence. Là, il accorde une interview au journaliste Aldo Sorani du journal Il Secolo. Mi-mai, il est de retour à Paris où il fait des démarches pour que la Première Journée du Soulier de satin paraisse dès que possible. Des fragments de l'interview au journal de Milan sont reproduits à la page 3 du journal Comoedia du 24 juin sous le titre Une interview de Paul Claudel à Florence :

"Paul Claudel poète diplomate se trouvant, il y a quelques jours, à Florence, pour assister à la Foire du livre, eut une longue conversation avec M. Aldo Sorani, du Secolo de Milan, dans laquelle il fut beaucoup question de littérature et nullement de politique." (Quoique..., ndlr)

Après avoir parlé de Stéphane Mallarmé "qui exerça une grande influence sur lui", Paul Claudel avoue qu'en Paul Valéry, disciple de Mallarmé, il "aime en lui bien mieux le prosateur que le poète". Puis "interrogé sur les tendances actuelles de la littérature française, l'illustre écrivain a répondu :

- Les temps sont changés, mais en pire. Nous autres, les symbolistes, nous cherchions à faire des expériences et des découvertes que j'appellerai musicales. Aujourd'hui, les jeunes ont seulement une préoccupation visuelle. On n'interroge point les idées, les hommes et les choses, pour savoir ce qu'ils signifient. On se contente de les projeter dans un champ de lumière, dans une succession la plus accélérée. C'est le triomphe du cinéma. Quant aux mouvements actuels, pas un seul ne peut conduire à une véritable rénovation ou création. Ni le dadaïsme, ni le surréalisme qui ont un seul but : pédérastique. Parmi les jeunes, Delteil mérite d'être nommé, quoique sa dernière Jeanne d'Arc soit un peu... grossière. Morand et Giraudoux écrivent trop en hâte, ils ne cuisent pas assez ce qu'ils font. Même Montherlant, qui inspirait une si grande confiance, produit trop. Ma chance a été d'être resté inconnu pendant la période de formation, celle qui permet d'accumuler les idées et les faits jusqu'à l'âge de trente ans. 

Selon Paul Claudel, pour retrouver l'équilibre perdu et le sens du grand art sain et fécond, il n'y a qu'un seul salut : le retour à un catholicisme fondamental appuyé au classicisme gréco-romain."

Ensuite Claudel dans cette interview parle du Soulier de satin qu'il vient d'achever au Japon puis "plus d'un - a-t-il dit - s'étonne, non que je sois bon catholique, mais écrivain, diplomate, ambassadeur de France et poète. Mais, moi, je ne trouve en cela rien d'étrange. Pendant la guerre, je suis allé en Amérique du Sud pour acheter du blé, de la viande en conserve, du lard pour les armées, et j'ai fait gagner à mon pays deux cents millions. Il n'y a aucune raison de s'étonner qu'un poète - et même un poète symboliste - ait pu s'occuper, avantageusement, de grosses quantités de lard. J'ai accepté de faire tout ce que la destinée a voulu, sans honte et sans peur.

Ainsi se termina cette savoureuse conversation. 

C.-A. T." (1)

Sempiternelle querelle des anciens et des modernes ? Rappelons que Paul Claudel est né en 1868 et que parmi les écrivains cités par Claudel ci-dessus, Joseph Delteil est né en 1894 (Jeanne d'Arc a obtenu le prix Femina en 1925), Henry de Montherlant en 1895, Paul Morand en 1888 et Jean Giraudoux en 1882.  

 

Après avoir pris connaissance avec stupéfaction de l'article de Comoedia, les surréalistes ne tardent pas à réagir aux propos de Claudel. Six jours après, ils écrivent une "lettre ouverte à Monsieur Paul Claudel ambassadeur de France au Japon" et la signent collectivement, parmi eux, André Breton, Louis Aragon, Paul Eluard, Robert Desnos, René Crevel, Max Ernst, Michel Leiris, Georges Limbour, Max Morise, Marcel Noll, Georges Ribemont-Dessaignes, Roger Vitrac, André Masson, Benjamin Péret, Philippe Soupault... Le tract écrit sur du papier couleur sang de boeuf sort tout chaud de l'imprimerie quelques heures avant le début du grand banquet qui doit se tenir à La Closerie des Lilas (171 boulevard du Montparnasse) en l'honneur de l'un des derniers poètes symbolistes vivants : Saint-Pol Roux (64 ans). André Breton ne cesse de déclarer son admiration pour le poète marseillais retiré dans un manoir qu'il a aménagé dans une ancienne maison de pêcheur à Camaret sur la presqu'île de Crozon (Finistère). En septembre 1923, alors en villégiature chez ses parents à Lorient (24 rue Amiral Courbet), Breton n'a pas manqué de rendre visite au poète "indifférent à la gloire comme à l'oubli". (2) Cependant, ce banquet n'est pas du goût des surréalistes.    

 

A suivre...

 

 

(1) Extraits de l'interview donnée par Paul Claudel au journal italien Il Secolo en mai 1925, reprise dans le journal Comoedia (51 rue Saint-Georges, Paris 9è / téléphone : Trudaine 70 00 ) du 24 juin 1925. 

(2) André Breton Lettres à Jacques Doucet 1920-1926 (Editons Gallimard, 2016).

 

 

Sources :

 

Site internet de la Bnf

 

                   

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11 mars 2025 2 11 /03 /mars /2025 13:44

 

 

Paul Claudel rentre en France via l'Indochine en mars 1925 pour un séjour qui va durer une année, après l'ouverture de la Maison franco-japonaise. Inaugurée par Claudel le 14 décembre 1924, la Maison franco-japonaise a été créée dans le but de mieux structurer les relations culturelles et scientifiques entre le Japon et la France dans un contexte particulier puisque la capitale japonaise avait été rayée de la carte quinze mois auparavant lors d'un violent tremblement de terre qui avait fait 140 000 victimes. Dans ses bagages, il emmène le manuscrit du Soulier de Satin dont la Première Journée paraîtra chez Plon en novembre et décembre 1925. A Paris, Paul Claudel habite 80 rue de Passy dans le seizième arrondissement entre la rue Raynouard et l'avenue de la Muette (future avenue Paul Doumer) dans un immeuble récent élevé en lieu et place de l'hôtel de Bandeville où au 19ème siècle on donnait des soirées musicales auxquelles participa le compositeur italien Gioacchino Rossini. L'appartement de Claudel, "un appartement en retrait ne donnant pas sur la rue" dont une pièce avec "quantité d'objets, rapportés d'Extrême-Orient, la décorent" (1), a été décrit par André Gide dans son Journal à la date du 15 mai 1925. Claudel ne reste toutefois pas à Paris. Il profite de cette année de repos en France pour visiter, en mars, sa soeur Camille internée à l'asile de Montdevergues (Vaucluse), pour se balader à Aix-en-Provence et à la Sainte Baume puis en mai se rendre à une Foire du livre à Florence (Italie), ensuite (durant l'été) séjourner au château de Lutaine dans le Loir-et-Cher. 

Le château de Lutaine est situé sur la commune de Cellettes, entre Blois et Cheverny, dans le département du Loir-et-Cher. Cette commune peut s'enorgueillir de posséder sur son territoire pas moins de dix-huit châteaux dont le plus connu est celui de Beauregard, château Renaissance modifié aux 17è et 20è siècles, que l'on visite pour sa galerie des Illustres où l'on peut voir environ trois cents portraits de souverains du premier Valois à Louis XIII ainsi que celui d'Isabelle de Castille de sa fille Jeanne Ière d'Espagne (dite la Folle, Juana la loca en espagnol) et de têtes non couronnées comme Amerigo Vespucci. Le château de Lutaine qui dans les années 1920 appartenait à la comtesse de Chevigné est une demeure plus modeste avec son corps principal à un étage percé de lucarnes, bordé de deux tours carrées. Claudel occupe là ses journées à écrire, faire des promenades dans la forêt de Russy toute proche, se baigner dans le Beuvron. 

Quant à son séjour à Florence qui aurait pu passer inaperçu, Paul Claudel y est interviewé par un journaliste de Il Secolo, quotidien fondé à Milan en 1866. Il y évoque différents mouvements artistiques dont le symbolisme et ajoute une réflexion qui va faire bondir les surréalistes et en particulier André Breton qui dans sa jeunesse a beaucoup lu Claudel : "Quant aux mouvements actuels, pas un seul ne peut conduire à une véritable rénovation ou création. Ni le dadaïsme, ni le surréalisme qui ont un seul sens : pédérastique." Aurait pu passer inaperçu si le journal Comoedia n'avait relaté dans son numéro daté du 24 juin la perfide interview.       

        

[Pendant ce temps, au Japon, nombre de ses ouvrages sont traduits en japonais. Paul Claudel, ambassadeur de France au Japon dans les années 1920, est né en août 1868. Selon l'astrologie japonaise, il est du signe du Dragon. Celles et ceux nés sous ce signe "sont entêtés, sensibles à l'extrême, prompts à se mettre en colère, mais d'une grande honnêteté et d'une grande bravoure. Bien qu'excentriques, ils sont dignes de confiance et sont sincères. Ils ont bon coeur et se font facilement du souci sans raison. Ils sont en général très aimés". (2)

Paul Claudel, après Tokyo, sera nommé ambassadeur de France à Washington DC et le restera de 1927 à 1933. Dans les archives des familles Loridan et Lenoir originaires du département du Nord, une photo noir et blanc prise aux Etats-Unis en 1928 montre Paul Claudel entouré de nombreuses personnes (dont une de ses filles) parmi lesquelles Charles Loridans (1877-1956). Ce dernier, frère cadet du poète, chansonnier et homme politique Henri Loridan (1861-1933), a été consul de France à Atlanta (Georgie) entre 1928 et son décès. Installé aux Etats-Unis à la fin du 19ème siècle après des études d'ingénieur, on lui demanda d'abord de concevoir une usine textile à Woonsocket dans l'Etat du Rhode Island puis d'autres bâtiments avant de créer dans l'Etat de Georgie la Southern Ferro Concrete Company (1905) qui construisit de nombreux bâtiments dont des hôtels, en Georgie et dans le Tennessee. En 1905, Charles Loridan ajouta un "s" à son patronyme pour permettre aux Américains de le prononcer plus facilement. En 1913, il épousa Adeline Floyd Arnold (1880-1950) et devint citoyen américain en 1918. Au début des années 1940, il quitta sa maison située sur East 15th Street (Atlanta) pour s'installer dans une demeure de style antebellum sur West Paces Ferry Drive baptisée "Isola" du fait qu'elle était, à l'époque, seule au milieu d'un immense parc et où il reçut nombre de dignitaires. Il y vécut jusqu'à son décès survenu le 9 juin 1956.]        

 

 

(1) André Gide Journal 1889-1939 (Editions Gallimard, 1951).

(2) Connaissance de l'Asie - Fêtes et traditions au Pays du soleil levant par Louis Frédéric (Société Continentale d'Editions Modernes Illustrées, 1970). 

 

Sources :

 

Site internet de la Maison franco-japonaise.

Dictionnaire historique des rues de Paris par Jacques Hillairet (Editions de Minuit, 1964).

 

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10 mars 2025 1 10 /03 /mars /2025 12:27

 

 

 

"L'Amérique ne veut pas se mêler des affaires d'Europe. Les Américains ont pour principe de s'intéresser d'abord à ce qui les regarde."

                                                                         Paul Claudel, 6 novembre 1928

 

 

 

En 1924, Paul Claudel est ambassadeur de France au Japon. Nommé à Tokyo en janvier 1921, il occupera ce poste jusqu'au 17 février 1927 date à laquelle il partira pour Washington DC (Etats-Unis d'Amérique) où il restera jusqu'en 1933. Au début des années 1920, Paul Claudel a déjà une longue carrière de poète, de romancier et de diplomate derrière lui. Parmi ses oeuvres les plus connues, on peut citer L'Otage (1910), L'Annonce faite à Marie (1912), L'Homme et son désir, spectacle dansé créé par les Ballets Suédois - menés par Jean Börlin - au théâtre des Champs-Elysées en juin 1921 sur une musique de Darius Milhaud et des décors de Audrey Parr. Comme diplomate, il a été en poste aux Etats-Unis (New York et Boston) en tant que vice-consul puis consul suppléant, ensuite en Chine (entre 1895 et 1909), au Danemark, en Allemagne et au Brésil. En janvier 1921, il est nommé ambassadeur à Tokyo où il arrive en novembre de la même année. A peine a-t-il pris ses fonctions qu'il explore le "Pays du soleil levant" ou plus étymologiquement correct le "Pays des racines du soleil" où il est rejoint par son épouse et ses trois filles*, Marie, Reine et Renée. Il fait l'ascension du mont Fuji, découvre à pied, à cheval et en voiture les lacs éparpillés autour du dit mont dont le lac Kawaguchi (à 830 mètres d'altitude), Nara et son temple Kofukuji avec sa grande pagode à cinq étages et son Pavillon d'Or et le Shosoin, reliquaire des possessions de l'empereur Shomu présentant plus de trois mille objets artistiques, usuels et mobiliers, Kobé, petite bourgade de pêcheurs au nord d'Osaka devenu l'un des ports commerciaux les plus importants du pays puis sur l'île de Kyushu, Nagasaki, Fukuoka, Beppu, Unzen "le plus bel endroit du Japon" (1) avec ses nombreuses sources d'eaux chaudes. 

En mars 1923, est donné au Théâtre Impérial de Tokyo un drame lyrique que Paul Claudel a écrit façon Kabuki sur le modèle de L'Homme et son désir dont les Japonais ont eu vent du scandale qu'il a provoqué à Paris deux ans plus tôt et qu'il a intitulé La Femme et son ombre. Le kabuki est né au début du 17ème siècle réunissant des actrices jeunes interdites de scène trente ans après car trop provocantes aux yeux des autorités qui voulaient éviter toute agitation politique ou autre. Le kabuki devint alors un spectacle exclusivement masculin. Il est joué sur une scène tournante de grandes dimensions permettant de changer aisément de décor et obligeant les acteurs à savoir occuper l'espace sous peine d'apparaître insignifiants. Un orchestre accompagne le jeu des acteurs. Pour le spectacle conçu par Claudel et joué à Tokyo, la scénographie et les costumes furent confiés à Kaburagi Kiyokata (artiste décédé en 1972) et la musique fut composée par Kineya Sakichi.

Le 1er septembre 1923, Paul Claudel subit un violent tremblement de terre qui détruit Tokyo durant lequel l'ambassade de France est grandement endommagée par un incendie, bâtiment où l'écrivain a laissé le manuscrit du troisième acte de la pièce commencée quelques années plus tôt, Le Soulier de Satin. "Je suis incapable de le restituer, il me faut recommencer quelque chose d'entièrement nouveau" (2), écrit Paul Claudel à son ami Stanislas Fumet, auteur d'un article dans le journal L'Intransigeant daté du 7 septembre 1923 paru sous le titre : Notre ambassadeur à Tokyo - Paul Claudel sauvé des éléments

L'écrivain et ambassadeur, à 16 000 kilomètres de Paris, n'en reste pas moins au courant de ce qui se passe en France. On lui remet tous les articles de journaux qui parlent de son oeuvre, qu'ils soient élogieux ou injurieux. Parmi les écrits qui lui parviennent se trouve un conte de Louis Aragon, L'Extra, paru en juillet 1922 dans la NRF (dirigée par Jacques Rivière, grand admirateur de Claudel) qui choque et indigne le diplomate surpris que le directeur de cette parution - qui se dit catholique - puisse ouvrir ses pages à un tel récit.                  

 

 

* Paul Claudel a épousé à Lyon, en mars 1906, Reine Sainte-Marie Perrin, fille de l'architecte de la basilique Notre-Dame-de-Fourvière (inaugurée en 1896) et a eu cinq enfants : Marie (1907), Pierre (1908), Reine (1910), Henri (1912) et Renée (1917). Paul Claudel, né le 6 août 1868, avait deux soeurs : la sculptrice Camille Claudel, née en 1864 et Louise née en 1866. 

 

(1) Paul Claudel Lettres à son fils Henri et à sa famille (Editions L'Age d'Homme, Lausanne (Suisse), 1990).

(2) Paul Claudel Stanislas Fumet Correspondance 1920-1954 Histoire d'une amitié (Editions L'Age d'Homme, Lausanne (Suisse), 1997). 

 

 

Sources

 

Japon (Les Guides Nagel, Genève (Suisse), 1964). Ce guide est aussi cité dans le livre Paul Claudel Lettres à son fils Henri et à sa famille (Editions L'Age d'Homme, Lausanne (Suisse), 1990).

Japon - Les choses de la vie japonaise (Editions Hermé, 1985).

 

            

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7 mars 2025 5 07 /03 /mars /2025 15:54

 

 

Durant l'été 1924, André Breton qui est chez ses parents à Lorient (en juillet) puis à Paris (en Août) entreprend la rédaction du Manifeste du surréalisme qu'il a prévu de faire paraître en octobre. Louis Aragon qui est au Pays basque avec Pierre Drieu La Rochelle, achève la première partie du Paysan de Paris dont un chapitre est consacré au passage de l'Opéra* et dont la version complète ne paraîtra que deux ans après.

 

André Breton a, comme Louis Aragon rencontré durant la Première Guerre mondiale alors qu'ils étaient tous deux médecins auxiliaires au Val-de-Grâce, abandonné ses études de médecine pour se consacrer à l'écriture. Tous deux fréquentent "La Maison des Amis des Livres" que Adrienne Monnier a ouverte en 1915 au 7 de la rue de l'Odéon et que fréquentent aussi Valéry Larbaud, Jules Romains, Pierre Reverdy, Paul Valéry... Bien que démobilisés tardivement (André Breton en septembre 1919 et Louis Aragon quelques mois après), ils créent en collaboration avec Philippe Soupault la revue Littérature en mars 1919. Dans une parution de cette revue, ils incluent un poème que Paul Eluard leur a lu dans la chambre que Breton loue à l'hôtel des Grands Hommes, 9 place du Panthéon, intitulé Vache. Afin de subvenir à leurs besoins, Breton (dès le mois de décembre 1920) et Aragon (dès février 1922) sont engagés par le couturier et collectionneur Jacques Doucet comme conseillers artistiques pour des achats de livres et de tableaux avec obligation de lui écrire deux lettres par semaine sur des objets et oeuvres qu'il serait intéressant pour lui d'acquérir ainsi que de lui remettre leurs manuscrits et leurs publications en échange de rémunérations. C'est ainsi qu'en 1922, Breton incite Doucet à acquérir La Charmeuse de serpents du "douanier" Rousseau (tableau qui appartenait à Robert et Sonia Delaunay) et l'année suivante, Les Demoiselles d'Avignon, tableau peint par Picasso en 1907 et présenté pour la première fois au public lors d'une exposition organisée par André Salmon en juillet 1916. Aragon, afin d'être plus à l'aise financièrement, est nommé à la direction de Paris-Journal par Jacques Hébertot (mars 1923) mais quitte rapidement cet emploi et se met au vert à Giverny - grâce à l'aide financière du couturier -, où il trouve refuge chez un certain monsieur Toulgouat par le truchement d'un ami américain qu'il connait depuis peu. C'est Jacques Doucet qui dissipe les réticences des parents de Simone Kahn qui, issue d'une famille aisée (les futurs beaux-parents habitent avenue Niel), souhaite épouser Breton. La famille Kahn ayant peur que le jeune soupirant ne puisse subvenir au besoin du ménage, Jacques Doucet double le salaire de Breton qui convolera en septembre 1921** à la mairie du 17ème arrondissement, Paul Valéry étant le témoin du marié.        

 

En juin 1924, la revue Littérature cesse définitivement de paraître en attendant qu'une nouvelle revue voit le jour : La Révolution surréaliste. 1924 et 1925 sont des années de grand bouillonnement au cours desquelles le groupe des futurs surréalistes est activement rebelle à tout conformisme. Les scandales se succèdent selon le voeu d'Aragon qui voulait "le scandale pour le scandale" dans un numéro de Littérature en 1923. Sont alors publiés Poisson soluble de Breton, Le Passage de l'Opéra d'Aragon, Mourir de ne pas mourir de Paul Eluard et aussi et surtout un pamphlet collectif intitulé Un cadavre écrit quelques jours après le décès d'Anatole France que tout le monde, de la droite à la gauche, encense pourtant. Certains comparent les détracteurs à des chacals ; d'autres réclament des sanctions. C'est aussi en 1924 que Breton et Aragon sortent un inédit d'Arthur Rimbaud que Paul Claudel a jusqu'ici tenté d'empêcher la (re)parution : Un coeur sous une soutane.    

 

 

* Voir les chapitres 11 et 12 de cette chronique.

** Le couple se séparera en 1929. 

 

 

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6 mars 2025 4 06 /03 /mars /2025 15:16

 

 

"Si vous aimez

                       l'Amour

vous aimerez

              le Surréalisme"

 

 

Dans la nuit du lundi 3 au mardi 4, un incendie s'est déclaré vers 23 heures 30 dans la maison achetée par André Breton au début des années 1950 à Saint-Cirq-Lapopie (Lot) devenue après son acquisition par la municipalité en 2016, le Centre international du surréalisme et de la citoyenneté mondiale. Le sinistre n'a fait aucune victime mais a causé des dégâts importants et irréversibles.                                                      

 

 

 

                                                         1924 - 1925

 

 

Tandis que la revue Littérature (imprimée dès 1919 puis refondée en 1922) disparaît au début de l'été 1924, André Breton prépare un manifeste qui paraîtra en octobre aux Editions du Sagittaire (6 rue Blanche) dirigées par Simon Kra assisté de son fils Lucien, Manifeste du surréalisme, ainsi qu'une nouvelle revue La Révolution surréaliste dont le premier numéro imprimé à Alençon et dont le dépositaire est la librairie Gallimard (15 boulevard Raspail) sera livrée dans les premiers jours de décembre. Breton en finit donc définitivement avec Tzara et son Dada pour jeter les bases du mouvement littéraire et artistique qui a été le plus important du 20ème siècle et qui a perduré au-delà du décès de son fondateur en septembre 1966.

 

Dans Manifeste du surréalisme, André Breton explique ce qu'est le surréalisme, terme déjà usité par Guillaume Apollinaire pour qualifier sa pièce Les Mamelles de Tirésias créée au théâtre Renée Maubel (Montmartre) en juin 1917 : 

"Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale."

Ceux qui ont fait acte de surréalisme absolu d'après (et outre) Breton - par ordre alphabétique -, Messieurs Aragon, Baron, Boiffard, Carrive, Crevel, Delteil, Desnos, Eluard, Gérard, Limbour, Malkine, Morise, Naville, Noll, Péret, Picon, Soupault et Vitrac (1) ont pour modèles Baudelaire (surréaliste dans la morale), Rimbaud (surréaliste dans la pratique de la vie et ailleurs), Jarry (surréaliste dans l'absinthe), Saint-Pol-Roux (surréaliste dans le symbole), Marceline Desbordes-Valmore (surréaliste en amour). Tristan Tzara né la même année que Breton est hors jeu, tout comme Francis Picabia (de dix-sept ans son aîné) qui ne cesse d'écrire des critiques acerbes dans les journaux sur ces surréalistes qui ne cessent de faire parler d'eux "pour paraître nouveaux, intelligents", qui traite Breton d'acteur "plus démodé que Guitry" et son Caravansérail par lequel il ne ménage ni Breton ni Aragon pour jeter un peu plus d'huile sur le feu. 

En plus du Manifeste du surréalisme et de La Révolution surréaliste, Breton a ouvert un Bureau de recherches surréalistes au 15 rue de Grenelle dans un hôtel particulier bâti par Brongniart en 1766 pour le marquis de Bérulle dont la façade sur rue a été conçue en demi-cercle afin de faciliter l'entrée et la sortie des voitures et où, au début des ces années 1920, habitait le père de Pierre Naville (cité plus haut). Accueillant celles et ceux qui souhaitaient avoir des informations sur les dernières découvertes poétiques et littéraires des surréalistes, cet office fermera définitivement ses portes au public au début de l'année 1925 sur injonction de Breton qui prendra bientôt seul les rênes de la nouvelle revue évinçant ainsi les jusqu'à présent co-directeurs, Pierre Naville et Benjamin Péret et transférant son siège au 42 rue Fontaine, son domicile.

 

Cet article est une introduction à une brève histoire du parcours des surréalistes depuis la parution du numéro 1 de La Révolution surréaliste jusqu'au tumulte qui a gâché la soirée en l'honneur du poète Saint-Pol-Roux en juillet 1925 à la Closerie des Lilas. Les prochains chapitres retraceront les jeunesses de André Breton Breton et de Louis Aragon nés à un an et 1/2 d'intervalle et la carrière de Paul Claudel (de quasiment trente ans leur aîné) qui a une longue carrière de diplomate derrière lui et qui au moment qui nous occupe est ambassadeur de France au Japon.                  

 

 

(1) "Il y aurait beaucoup à dire sur le rôle de fée, de muse que plusieurs surréalistes assignaient à la femme (...) il était proche du sois-belle-et-tais-toi (combien le surréalisme a-t-il laissé de figures féminines majeures ?)", s'interroge Serge Fauchereau dans le catalogue de l'exposition Le surréalisme et l'amour qui eut lieu au Pavillon des Arts (Paris) du 6 mars au 18 juin 1997. Serge Fauchereau a été commissaire de grandes expositions pour le Centre Pompidou et il est l'auteur de nombreuses monographies (Braque, Léger, Mondrian...) et de nombreux ouvrages dont Le cubisme, une révolution esthétique - sa naissance et son rayonnement

 

Sources :

 

André Breton, manifestes du surréalisme (Collection Idées, Gallimard). 

André Breton Lettres à Jacques Doucet 1920-1926 (Editions Gallimard, 2016). 

Dictionnaire historique des rues de Paris par Jacques Hillairet (Les Editions de Minuit, 1964).

          

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26 février 2025 3 26 /02 /février /2025 11:01

 

 

Il y a belle lurette que l'explication d'expressions toutes faites ordinairement usitées pour abréger voire couper court à une conversation qui nous semble ennuyeuse et que l'on ne souhaite pas poursuivre avec son ou ses interlocuteurs afin de pouvoir passer à un autre sujet jugé plus important, moins stérile, moins clivant n'a pas été l'objet d'un article de ce blog. Il est temps d'en reprendre le fil même si celui-ci est chargé d'amertume.

 

Alors là, chapeau !

 

On a encore en mémoire la photo prise en 1945 montrant deux soldats, l'un venant par l'Est, l'autre par l'Ouest, se serrant la main sur les ruines encore fumantes de l'Europe dévastée.   

Les soldats venant de l'Ouest ont libéré nos villes (sauf Paris, bien sûr, libéré par lui-même) distribuant abondamment chewing-gums et cigarettes, sourires et embrassades. C'était l'époque des I love you, my dreams come true.  

Afin de distraire une population endeuillée et soumise aux tickets d'alimentation, ils ont envahi les écrans des cinémas avec leurs films noir et blanc ou couleurs, westerns, scènes de combats, paquebots et sous-marins en détresse, espions sur le qui-vive, fusillades et explosions spectaculaires, tremblements de terre, avalanches, comédies dansées et chantées, tragédies à faire pleurer dans les chaumières, tous ces films étant basés sur des histoires vraies. Ils nous ont abreuvé de téléfilms policiers, shériff untel, lieutenant machin, coroner truc, votre honneur bidule. 

Ils nous ont rassasié avec leur pain bourré d'un steak haché ou de poulet frit, salade, cornichon, oignon, sauce à la tomate ; ils nous ont désaltéré avec leurs sodas noirs comme du charbon et leurs jus de fruits multicolores avec conservateurs et adjonction de sucre. 

Ils nous ont fait danser jusqu'au bout des étoiles dans les boîtes de nuit, discothèques ou night-clubs avec leurs musiques rythmées et syncopées. 

Ils ont créé pour nous, pour notre bien, pour notre confort, un réseau informatique international, des moteurs de recherches, des lieux de rencontres virtuelles où nous sommes supposés être toutes et tous amis, des applications ludiques pour nous faire oublier la tristesse de notre époque, pour nous rendre meilleurs, utiles, solidaires, des plans et cartes pour que nous ne nous perdions pas en route, bref un monde de partage démocratique, citoyen et convivial.

Ils nous ont imposé leur idiome dans tous les domaines (informatique, commerce, monde scientifique, langage sportif, jargon professionnel...) après avoir, en leur sein, mis au pilori le français (dès 1921) et maintenant l'espagnol.  

Ils nous ont vendu du rêve durant des décennies. On s'est levés en pleine nuit pour les voir marcher sur la lune et on s'est extasiés lors de l'amerrissage ou l'atterrissage de leurs navettes spatiales. Ils n'ont cessé de nous éblouir avec leur gigantisme, rien là-bas ne pouvant se faire dans la demi-mesure, tout devant être énorme. Ils nous ont fait saliver avec leurs villes verticales, leurs grands espaces avec canyons, coyotes et torrents impétueux, leurs routes larges et interminables bordées de stations où l'essence se vend au gallon* pour pas cher, de bars avec orchestre où l'on s'amuse chapeau sur le chef, chemise à carreaux sur les épaules, denim aux fesses et bottes aux pieds, de supermarchés, de galeries commerciales avec parkings couvrant des dizaines d'hectares, de quartiers pour retraités aisés bien dans leur tête, bien dans leur peau, de casinos et hôtels aux décors kitsch et tape-à-l'oeil. Et nous avons été des millions à traverser l'Atlantique pour voir tout ça de nos propres yeux afin de pouvoir dire fièrement et ostensiblement : moi, j'y suis allé et là-bas tout est fun

Nous avons pleuré sur leur triste sort en 1963, 1968, 2001, 2008 mais maintenant, game is over, nous ne sommes plus que de pauvres hères vivant sur un vieux continent, nous contentant de regarder - avec effroi, tristesse, consternation - s'éloigner un partenaire et allié qui veut de nouveau être grand, agir à sa guise et qui désormais nous délaisse, les yeux rivés vers un pays qu'il a longtemps condamné, honni, son régime politique étant aux antipodes du sien, mais ça c'était avant, long ago.   

 

On ne va pas refaire le monde !

 

 

* 1 gallon = 3,785 litres.

 

 

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12 février 2025 3 12 /02 /février /2025 11:09

 

 

Petit retour en arrière et courte escapade en Normandie. Après Locarno en Suisse (voir chapitre précédent), prenons à présent la direction d'Alençon, chef-lieu du département de l'Orne traversé par la Sarthe, au coeur du Parc naturel régional Normandie-Maine. Alençon qui compte de nos jours environ 25 000 habitants, est l'ancienne Cité des Ducs d'Alençon dont il ne reste de leur château bâti au 14ème siècle et démantelé par Henri IV que le pavillon d'entrée, le logis et la tour centrale dite "couronnée". Connue pour sa manufacture royale de dentelle créée au 17ème siècle, la ville peut s'enorgueillir d'avoir inventé le "point d'Alençon", dentelle à l'aiguille dont la technique est unique en France. Le musée des Beaux-Arts et de la dentelle, installé dans un ancien collège jésuite construit en 1620, possède une riche collection de dentelles produites dans différentes manufactures européennes. En outre, la ville, après avoir connu une importante rénovation de ses maisons et rues, propose aux visiteurs d'intéressantes façades à pans de bois, une halle au blé circulaire construite au 19ème siècle, une église élevée entre les 16è et 18è siècles ainsi qu'une chapelle dédiée à sainte Thérèse située en face de la préfecture elle-même installée dans l'ancien hôtel des Intendants du 17ème siècle. Nous voyons qu'Alençon mérite qu'on s'y arrête, même si la route est encore longue pour celles et ceux qui depuis Paris traversent rapidement l'Orne en direction des plages bretonnes. 

 

En allant au hasard par les rues piétonnes et autres artères (rue du Maréchal de-Lattre-de-Tassigny, cours Clemenceau) qui courent entre l'église Notre-Dame et le musée des Beaux-Arts et de la dentelle, on remarque une place tout en longueur bordée de restaurants qui porte le nom cocasse et peu commun de Poulet-Malassis. Clemenceau, de-Lattre-de-Tassigny, on connait mais Poulet-Malassis, mystère !

Au début du mois de décembre 1924, dans une automobile chauffée par Pierre Naville, André Breton, Louis Aragon et Max Morise quittent leur quartier général de la rue de Grenelle pour filer à vive allure sur les routes de Seine-et-Oise en direction du département de l'Orne. C'est à Alençon que les quatre vingtenaires ont décidé de faire imprimer le premier numéro de La Révolution surréaliste. Pendant quelques jours, ils vont superviser, dans le bruit des machines et l'odeur de l'encre et du papier, la sortie de leur nouvel organe qui sort tout chaud des rotatives activées par des ouvriers qui travaillent sans relâche, n'hésitant pas pour plaire à la fine équipe des Parisiens pressés de voir leur bébé en kiosque et chez tous les "bons" marchands de journaux à ne pas compter leurs heures car, comme on dit communément, c'est pour la bonne cause. Alençon étant réputée pour être une importante ville d'imprimeurs, alors... que les caractères, lettres bâton et minuscules défilent sous les lourds cylindres métalliques sans aucune retenue. Il est vrai qu'à Alençon, l'imprimerie on connait ça par coeur ! Alençon est la ville natale de Auguste Poulet-Malassis (1825-1878) qui issu d'une longue lignée d'imprimeurs et de libraires - son père imprimait le journal local -, a repris l'imprimerie familiale en 1855 et avec son beau-frère Eugène de Broise s'est lancé dans l'édition, installant ses bureaux sur la place d'Armes en face des restes du château* et de l'hôtel de ville, superbe bâtiment de la fin du 18ème siècle. Poulet-Malassis & de Broise ont édité en 1857 les poèmes de Charles Baudelaire rassemblés sous le titre Les Fleurs du Mal. Mais celui qui appelait ironiquement son éditeur, Coco Mal-Perché, sera traduit devant les tribunaux pour offense à la morale publique et aux bonnes moeurs et sera, comme Poulet-Malassis, condamné à une lourde amende et obligé à son grand dam d'ôter de l'édition six poèmes jugés sulfureux. Le tandem Poulet-Malassis - de Broise se déclarera en faillite en 1863. Inquiété par la justice pour endettement et après une incarcération pour dettes, Poulet-Malassis s'exilera à Bruxelles jusqu'en 1870. L'église de l'ancien collège jésuite qui abrite le musée cité plus haut conserve l'édition avant censure des Fleurs du Mal

 

A Alençon, les Surréalistes sont descendus pour quelques nuits à l'hôtel du Grand Cerf, 19 rue Saint-Blaise. Cet établissement de trois étages, "drôle de chose, pleine de fantômes" comme l'a écrit Louis Aragon à Jacques Doucet le 5 décembre 1924, est une ancienne auberge transformée en hôtel en 1843 puis agrandi et embelli dix ans après avec la conception d'une façade ornée de pilastres, de colonnes et de statuettes, faisant de ce lieu le plus grand hôtel de la ville, fermé depuis 2008. "Une autre merveille d'Alençon c'est le caractère bien particulier de la téléphonie sans fil dans les cafés. Singulière musique d'outre-tombe", a aussi écrit Aragon. Le lundi 8 décembre, les quatre Surréalistes regagnent Paris en voiture. Soixante-sept après l'édition du recueil de poèmes de Baudelaire, les Surréalistes peuvent sauter de joie en découvrant leur nouvelle revue tout juste imprimée avec sa couverture orange constellée de photographies prises par Man Ray et engageant à "aboutir à une nouvelle déclaration des droits de l'Homme". La revue qui se veut un rempart à toute forme d'oppression publie en son premier numéro des articles sur le rêve, les arts, l'érotisme et fait l'éloge de Germaine Berton qui a assassiné en janvier 1923 le chef des Camelots du roi dans les locaux du journal L'Action française. Le deuxième numéro paraîtra en janvier 1925 avec ce mot d'ordre : "Ouvrez les prisons - licenciez l'armée". Les quatre surréalistes peuvent, en ce mois de décembre 1924, quitter Alençon, joyeux et fiers de leur besogne en scandant ce mot optimiste (ou pas) : "Il faut tout attendre de l'avenir".        

 

* Le château des ducs d'Alençon a été un centre carcéral entre 1804 et 2010. 

 

Sources :

 

Site internet de la Ville d'Alençon (Orne)

Site internet de la Bibliothèque Nationale de France

André Breton par Henri Béhar (Librairie Arthème Fayard, 2005)

Aragon - De dada au surréalisme Papiers inédits 1917-1931 (Editions Gallimard, 2000)

 

                                 

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10 février 2025 1 10 /02 /février /2025 10:53

 

 

L'hôte est reparti en auto comme il était venu et a regagné son logis de la rue de la Pompe dans le seizième arrondissement. Tout est calme sur les Champs à cette heure avancée de la nuit de ce mois d'avril 1932. Les trottoirs sont encore mouillés par l'abondante pluie d'orage qui est tombée sur Paris la veille vers dix-sept heures. Les quelques passants qui se pressent vers l'escalier de la station George V, espérant attraper le dernier métro, ne croiseront ce soir ni André Gide, ni Julien Green sortant des Arcades des Champs-Elysées. Tous deux, un soir de juin 1928, après avoir dîné dans un restaurant à la riche devanture de l'avenue Victor Hugo, "moins fastueux (...) dans l'intérieur que la devanture ne me faisait craindre" (1), avaient marché jusqu'aux Champs-Elysées où Gide avait proposé à Green de finir la soirée au théâtre du Lido, récemment inauguré au sous-sol de la Galerie des Arcades au numéro 78 de la plus belle avenue du monde. Si de nos jours, cette galerie ouverte en 1926 fait un peu rétro rapport aux autres galeries contiguës avec sa grande verrière, ses coupoles et ses lustres Lalique, son ouverture avait relancé la mode des passages couverts* dont beaucoup avaient disparu aux 19è et 20è siècles sous la pioche des démolisseurs. En son sous-sol donc, le théâtre du Lido avec son bassin où voguaient des gondoles sur lesquelles de jeunes femmes chantaient en s'accompagnant d'une mandoline, était censé ce soir-là faire voyager les spectateurs (à qui des serveurs portant sous leur veste une chemise blanche impeccablement repassée, col fermé par un noeud papillon noir en soie versaient dans des coupes en cristal du champagne bien frais) ébahis par le curieux spectacle qui s'offrait à leurs yeux, dans la Venise du 18ème siècle un jour de carnaval. Gide, s'étant défait de sa cape de berger et de son chapeau mou et Green découvraient alors ce lieu et son "spectacle qui ne commençait que passé minuit" (1) tous deux mal à l'aise dans ce lieu pourtant vite devenu l'épicentre des nuits parisiennes pour celles et ceux qui venant pour la plupart de cette Amérique où l'alcool n'était servi que dans des endroits qui se voulaient discrets mais qui recevaient souvent et malgré eux les visites musclées et armées du FBI, voulaient se divertir, après avoir probablement soupé au Fouquet's, dans un établissement où l'alcool était servi à discrétion, sans avoir à quitter un triangle d'or aux noms fleurant bon la terre natale : Roosevelt-Lincoln-Washington. Ce soir-là, ces clients-là regardaient de travers un Gide dans des vêtements qu'ils jugeaient ridicules alors qu'eux-mêmes s'étaient mis sur leur trente-et-un (to put on one's best clothes en anglais), avaient revêtus leurs habits du dimanche (to pu on one's Sunday best), étaient tirés à quatre épingles, bref s'étaient sapés comme des princes pour assister à ce spectacle curieux, très curieux où des femmes sur un gondole étant obligées de se trémousser en chantant des airs faussement vénitiens sur une gondole au milieu d'un bassin, mais ces touristes-là - ou hommes d'affaires - élégants et galamment accompagnés n'étaient assis que pour boire sans retenue oubliant la médiocre mise en scène qui s'offrait à leurs yeux qu'ils auraient tout aussi bien pu voir dans leur pays, par exemple dans le désert du Nevada. Gide et Green avaient quitté la place sans regrets même si dans leurs écrits intimes tous deux n'avaient manqué de relater cette étrange soirée demeurée longtemps dans leur mémoire. Plus haut dans l'avenue, à quelques numéros de là, ils n'avaient pas souhaité ou eu l'idée de prendre un dernier verre, les noctambules qu'ils fussent américains ou d'ailleurs, pouvant finir la soirée au Select - American Bar, 100 Champs-Elysées (téléphone : Elysées 22 17) car en sortant du Lido, ils avaient hélé un taxi qui les avait conduit chacun vers leurs domiciles respectifs, Green rue Cortambert, Gide à Auteuil.

 

[Le travail consistait en la cueillette de légumes, de couper leurs fanes, de les gerber dans des cagettes et de les porter jusqu'à une camionnette plus loin. Le travail étant terminé dans une parcelle, il fallait aussitôt de diriger vers une autre afin de cueillir d'autres légumes etc. Tu ne connais pas bien les Champs lui dit le contremaître. C'est par ici qu'il faut aller, vers la rue de Berri, pas par là !]     

 

Dehors, tout était calme. Il était trop tôt pour croiser Jean Seberg proposant aux passants de lui acheter le New York Herald Tribune, un journal en anglais sans horoscope dont les bureaux se trouvaient à deux pas, au 21 de la rue de Berri.  

 

 

 

* Voir l'article du 1er mars 2024 de ce blog concernant un passage disparu en 1924 dont Louis Aragon parle dans Le Paysan de Paris : le passage de l'Opéra.

 

 

(1) André Gide Journal 1889-1939 (Editions Gallimard, 1951) à la date du 12 juin 1928. Julien Green a aussi relaté dans son Journal cette soirée passée au Lido avec Gide, une première fois à la date du 10 février 1929 puis le 17 février 1931 et encore le 22 septembre 1933.

 

      

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5 février 2025 3 05 /02 /février /2025 15:08

 

 

La plateforme "overblog" permet, chaque matin, de consulter les statistiques de la veille : nombre de visites enregistrées, nombre de pages lues, articles les plus regardés. Si la consultation de ces statistiques ne nécessitent pas un suivi régulier, ce blog n'étant et de loin pas le plus visité de la plateforme, il est amusant de constater que depuis février 2024, l'article - pourtant assez ancien - concernant la place Erik Satie de la station balnéaire de Saint-Cyprien-Plage reçoit chaque mois un nombre non négligeable de visiteurs dont 94 rien que pour le mois de mai dernier (35 en septembre). Quant à l'article - encore plus ancien que le précédent - sur la chanson Mon truc en plumes (paroles de Bernard Dimey, musique de Jean Constantin), il a été consulté 48 fois depuis le mois de juillet dernier. 

Concernant l'article sur la place Satie, est-ce parce que le maire de Saint-Cyprien a, dans son discours prononcé lors des voeux de bonne année 2024, annoncé que ledit endroit, coincé entre la place de Marbre et le boulevard Desnoyer (peintre décédé à Saint-Cyprien en 1972), allait être prochainement entièrement rénové ? Ou s'agit-il de vérifier deux ou trois détails concernant la biographie du compositeur natif de Honfleur et décédé le 1er juillet 1925 ? Mystère ! 

Quant à l'article - même ancien - sur la chanson Mon truc en plumes, nul doute qu'il est régulièrement consulté du fait que la chanson a été reprise lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Paris le 26 juillet dernier et que de nombreuses personnes souhaitent savoir que l'a écrite, quand, comment, pourquoi. 

 

Et si, depuis la création de ce blog il y a quatorze ans, tout ce qui y est écrit et donc possiblement lu, était faux, archi-faux, complètement faux, indubitablement faux. Pas une once de vérité, pas le moindre petit quelque chose de vrai, que des contre-vérités, du bluff, du leurre, un blog uniquement constitué d'artifice, de trompe-l'oeil, un blog fait pour égarer et tromper ses lectrices et ses lecteurs. Pas la moindre chose vraie. Rien ! ¡ Nada ! Si à un témoin on demande de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, the truth, only the truth, nothing but the truth, on ne peut demander à un blog d'en faire autant, de ne débiter que des affirmations vérifiées, vraies et justes. On ne peut obliger un chien à miauler et un chat à aboyer. Le cerveau humain en général étant ce qu'il est avec ses imperfections, ses lacunes et ses limites - et le cerveau de celui qui écrit ces lignes en particulier -, on n'est pas à l'abri, via internet, de prendre connaissance d'une information imprécise, inexacte voire totalement erronée et de la prendre, comme on dit communément, pour argent comptant. Il y a bien de faux billets en circulation alors pourquoi pas de fausses informations faites pour jeter le trouble dans notre esprit, pour nous dérouter, nous faire douter, nous faire aller dans une voie - de garage ? - où nous n'aurions pas, au lever du jour imaginer nous engager qu'on se soit levé du pied gauche ou pas. Fake news dit-on à présent quand on disait intox il y a quelques décennies. Intox avait un petit côté pollution, écran de fumée alors que fake news, sous son allure d'expression savante qui fait genre (ou style), peut simplement se traduire par fausses nouvelles, nul besoin d'avoir passé une agrégation pour la comprendre. On entend souvent d'une information qu'elle soit sous forme de film ou de commentaire, qu'elle est vite devenue virale (qui s'est donc répandue comme un virus) sur les réseaux sociaux (dire réseaux devrait suffire), qu'elle a été vue des milliers de fois (quand ce ne sont pas des millions), bla bla, bla bla. S'il s'agit d'un bruit de couloir ou d'une rumeur qui ne rapporte rien à son auteur, c'est grave ; si ça fait de l'argent, c'est très grave et inexcusable. Alors, ce blog est-il si contestable ? Perfectible certainement ! 

Le seul moyen de répandre via ce blog des informations vraies, étayées, justes, serait d'utiliser l'Intelligence Artificielle. "Je voudrais écrire un article pour prouver que tout ce qui peut être lu dans ce blog est vrai" et l'Intelligence Artificielle de rédiger un article intelligent, construit, documenté, sans fautes. Un article tout droit sorti du crâne de Zeus ou plutôt de micro-puces capables d'écrire des milliers de mots à la minute (à la demande aussi), des mots en rapport avec la question posée, sans digression, divagation, déviation. Un texte ajusté comme un costume sur mesure, du cousu main, coupe parfaite, sans faux col, doublure satinée, ourlets impeccables sur chaussures vernies (à trois mille euros la paire) vues dans la vitrine d'un chausseur de l'avenue de l'Opéra. Du sans défaut, du garanti pièces et main d'oeuvre, rien que de la qualité, de la bonne ouvrage, a good job. Mais ce type d'article ne serait pas issu d'un travail personnel et donc unique. Ce blog ne serait pas donc pas le seul à être libellé louisiane.catalogne. Il y en aurait sur internet des reproductions, des copies et donc des faux. Mais comme ici tout est faux, quelle importance ? Je ne sais plus pourquoi je vous ai avoué tout ça !                         

    

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28 janvier 2025 2 28 /01 /janvier /2025 14:50

 

                                                 

 

                                                     1925 (suite)

 

 

 

"La grandeur ne consiste pas dans les ruses, mais dans les erreurs."

                                                                                                       Paul Eluard

 

 

 

24 septembre - Décès à Carcassonne de Gustave Fayet. Natif de Béziers, issu d'une famille aisée de viticulteurs, il fut peintre, collectionneur (des Renoir, Cézanne, Degas, Van Gogh, Gauguin, ces derniers achetés sur les conseils de Georges-Daniel de Monfreid), mécène, conservateur des musées de sa ville natale dès 1900. En 1908, il acheta l'abbaye de Fontfroide (à l'ouest de Narbonne), la fit restaurer et confia à Odilon Redon le soin d'en décorer sa bibliothèque en 1911.    

 

Le second semestre de l'année 1925 nous fait voyager en Suisse et la destination ne sera pas Davos, ville de 11 000 habitants environ dans le canton des Grisons (Graubünden en allemand) connue surtout comme lieu de rendez-vous annuel (depuis 1971) des économistes et hommes et femmes d'affaires du monde entier et accessoirement pour son Kirchnermuseum qui rassemble la plus importante collection des oeuvres du peintre expressionniste allemand décédé en 1938, mais le canton du Tessin et plus précisément les rives du lac Majeur. 

Le canton du Tessin, l'un des vingt-trois cantons de la Confédération Helvétique, est situé au sud-est du pays et a pour chef-lieu Bellinzona. Cet unique canton de langue italienne regroupe les 7,9% de la population du pays qui parlent quotidiennement cet idiome. Le Tessin est bordé au sud par le lac de Lugano et le lac Majeur (Lago Maggiore) dont une grande partie se trouve en Italie. C'est sur les bords de ce lac, qu'en 1925, s'est tenu un sommet qui a donné lieu à des accords qui portent le nom de Locarno.     

Locarno, qui se trouve à 25 kilomètres à l'ouest de Bellinzona, est une ville d'environ 16 000 habitants connue de nos jours pour son Festival international du film qui s'y tient chaque été au mois d'août. A deux pas de la Piazza Grande, ses arcades et ses maisons anciennes, s'élève un palais seigneurial du 16ème siècle qui compte deux musées, le Museo Casorella qui possède une belle collection d'oeuvres de Hans Arp ainsi que des oeuvres de Max Ernst, Sonia Delaunay, Alexej von Jawlensky et le Museo Castello qui dans l'une des ses salles retrace les grands moments des Accords signés en octobre 1925.

En politique étrangère, le Cabinet Painlevé a été marqué par la Conférence de Locarno qui s'est tenue entre le 5 et le 16 octobre 1925. Malgré le rejet par l'Angleterre du "Protocole de Genève" élaboré par Edouard Herriot (voir chapitre n° 22), l'optimisme est de mise quant à une possible réconciliation franco-allemande et une paix définitive en Europe que le ministre français des Affaires étrangères, Aristide Briand, s'attelle à susciter par de longs pourparlers qui aboutissent à cette conférence de Locarno qui s'ouvre le 5 octobre 1925. Y participent la France représentée par Aristide Briand, l'Allemagne (par le chancelier Luther est accompagné de son ministre des Affaires étrangères Gustav Stresemann), l'Angleterre (par Austen Chamberlain), la Belgique (par Emile Vandervelde), l'Italie (par Mussolini), la Tchécoslovaquie (par Edouard Benès), la Pologne (par le comte Skrzynski). 

Les Accords sont signés le 16 octobre. Les frontières de la France et de la Belgique avec l'Allemagne, définies par le traité de Versailles, sont garanties et ces trois pays s'engagent à ne pas les modifier par la force et à recourir en cas de litige à la Société Des Nations, l'Angleterre et l'Italie promettant leur soutien au(x) pays agressé(s) en cas de violation du pacte. France, Belgique et Allemagne promettent de ne pas se faire la guerre sauf en cas de légitime défense ou en cas de violation des articles du traité de Versailles relatifs à la démilitarisation du Rhin. Dans ces Accords de Locarno, seul le cas des frontières occidentales est abordé, le problème des frontières orientales de l'Allemagne étant éludé. Un vague engagement à recourir à la SDN en cas de conflit sur leurs frontières tente de rassurer Polonais et Tchécoslovaques. Pour le chef de cabinet de Briand au Quai d'Orsay, Alexis Léger (plus connu sous le nom de Saint-John Perse), la France obtient enfin sa sécurité sur le Rhin, l'Angleterre et l'Italie venant à aider la France si celle-ci était attaquée par l'Allemagne qui entrera prochainement à la SDN. Pour Aristide Briand, c'est un grand pas vers la Paix et la démilitarisation. Ces accords sont du goût des socialistes et des radicaux. L'opinion publique les accueillent aussi favorablement. On salue dans une certaine presse avec enthousiasme le plus grand événement depuis la guerre. Mais les milieux nationalistes et conservateurs font observer que le pacte de Locarno contraint la France à évacuer la Ruhr et à renoncer aux sanctions contre l'Allemagne. 

27 octobre - Ce succès diplomatique n'empêche pas de faire tomber le gouvernement Painlevé.

29 octobre - Paul Painlevé se succédant à lui-même forme un nouveau gouvernement.

 

Octobre - Parution du numéro 5 de La Revue surréaliste avec deux articles de Louis Aragon intitulés Au bout du quai, les Arts décoratifs ! et Correspondance avec M. Joseph Delteil. Ce numéro s'oppose à la guerre du Rif (Maroc). 

Octobre-novembre - Exposition d'oeuvres de Modigliani à la galerie Samuel Bing, rue de Provence.

1er novembre - Décès de l'acteur burlesque et réalisateur Gabriel-Maximilien Leuvielle alias Max Linder dans un hôtel du 16ème arrondissement de Paris. Il tourna dans plus de deux cents films et réalisa au début des années 1920, Sept ans de malheur et L'Etroit mousquetaire

 

3 novembre - Paul Painlevé présente à la Chambre son nouveau gouvernement qui obtient la confiance par 221 voix contre 189, les socialistes s'abstenant. 

               

14-25 novembre - Exposition La Peinture surréaliste à la galerie Pierre (13 rue Bonaparte) avec des oeuvres de Hans Arp, Max Ernst, Paul Klee, André Masson, Pablo Picasso, Joan Miró. Le catalogue est préfacé conjointement par André Breton et Robert Desnos. 

 

22 novembre - Paul Painlevé présente la démission de son gouvernement au président de la République, démission qui démontre que le Cartel des gauches a vécu.

 

27 novembre - Décès à Grasse du peintre expressionniste Roger de La Fresnaye à l'âge de 40 ans. Après un passage chez Julian puis à l'Ecole des Beaux-Arts, il fut, en 1908, l'élève de Maurice Denis et de Paul Sérusier à l'Académie Ranson. "L'enseignement des deux peintres nabis, confirmé par la découverte de Cézanne et de Gauguin, accentue son goût pour une peinture volontaire, stylisée, où formes et contours sont fortement marqués, et à propos de laquelle il est possible de parler d'expressionnisme." (1)

   

28 novembre - Aristide Briand est chargé par le président de la République de former un nouveau gouvernement. 

 

Novembre 1925 - Est donnée au Casino de Paris la revue Paris en fleurs avec Maurice Chevalier qui y chante Valentine (paroles de Albert Willemetz, musique de Henri Christiné).

 

2 décembre - Aristide Briand présente son gouvernement à la Chambre. Dans son discours d'investiture, il demande aux députés d'approuver ses mesures financières et de ratifier les Accords de Locarno (ce qui sera fait le 26 février 1926). Il annonce aussi son intention de proposer le rétablissement du scrutin d'arrondissement pour les prochaines législatives. Il a nommé Louis Loucheur (qui fut ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et des Télégraphes au printemps 1924) au poste de ministre des Finances. Devant la gravité de la situation financière de la France - le déficit budgétaire étant de 5 milliards 600 millions de francs -, Louis Loucheur élabore cinq projets pour tenter de redresser les finances publiques. La commission des finances de la Chambre rejetant quatre de ces cinq projets, Louis Loucheur insiste pour qu'ils soient tous adoptés mais devant le refus de ladite commission, le ministre des Finances donne sa démission.

 

4 décembre - Soirée de bienfaisance à l'hôtel Charpentier (76 rue du faubourg Saint-Honoré) au profit du Secours social à l'hôpital et de l'Ecole de puériculture de l'Académie de Médecine en présence du poète Tristan Derème, des actrices Madeleine Roch, Marie Leconte, Mary Bell, Marcelle Servières, Madeleine Barjac et de la soprano Graziella Pareto.

7 décembre - Le banquet de clôture du congrès constitutif de l'Union des Petites Amicales Laïques du Nord sous la présidence de Monsieur Edouard Herriot, président du Conseil des ministres, servi par M. Journel, traiteur, rue Saint-Georges à Roubaix, a lieu dans les Etablissements Deconinck (Fresnoy). Au menu :

Coquille de poisson à la Russe

Contre-filet de boeuf marchand de vin

Haricots Bretonne

Galantine veau et jambon

Salade de légumes

Fromages

Desserts

Café

Bordeaux

Champagne  

 

16 décembre - Louis Loucheur est remplacé aux Finances par Paul Doumer. 

    

29 décembre - Décès à Neuilly-sur-Seine du peintre d'origine suisse Félix Vallotton. Artiste peu connu (même si quelques-uns de ses tableaux sont visibles au musée d'Orsay), il connait, après avoir étudié à l'Académie Julian (Paris), un certain succès au Salon des artistes français en 1885. Engagé comme illustrateur dans la Revue blanche fondée par Thadée Natanson, "Vallotton devait, par la suite, sans renoncer complètement à la gravure, aborder la peinture". (2) Ambroise Vollard acquiert une des premières productions du peintre. Avec ses camarades de l'Académie Julian, il crée un groupe de peintres - tous fascinés par la peinture de Gauguin et les estampes japonaises - sous la dénomination de "Nabis" (Prophètes en hébreu), groupe actif entre 1888 et 1900. Ensemble, outre le repas mensuel qui les rassemble dans un bistro du passage Brady - appelé ironiquement le Dîner de l'Os à moelle -, ils partagent dans leur art une aversion pour l'impressionnisme qu'ils jugent trop proche de la réalité et tendent vers la révélation d'un art nouveau. Le groupe composé entre autres de Bonnard, Denis, Sérusier, Vuillard, Vallotton, expose chez Le Barc de Bouteville (rue Le Peletier) et chez Bernheim-Jeune (rue Laffitte). En 1892, Félix Vallotton rencontre Hélène, une fille d'ouvriers parisiens qui devient son modèle et avec qui il se met en ménage. Pour lui, elle pose pour La couseuse et La Malade. L'année suivante, son tableau L'Eté - femmes se baignant dans une piscine de briques, en plein air fait scandale au Salon des indépendants car il tourne en dérision le goût des bourgeois de la IIIème République naissante, les artistes du Salon en général et Renoir en particulier. En 1898, il peint un portrait de Misia à sa coiffeuse. Misia, fille de sculpteur, épouse à cette époque de Thadée Natanson (future Misia Sert) est la muse et la protectrice de nombreux peintres, écrivains et compositeurs, elle-même étant une pianiste virtuose. En 1899, il reproduit en couleurs sur toile des bois gravés en noir et blanc qu'il a précédemment commis sur le thème de l'amour conjugal (Intimités) : La Chambre rouge, La Visite... C'est l'année où il épouse une riche veuve, mère de trois enfants, issue de la famille des marchands d'art Bernheim. Son tableau le plus connu - visible au musée d'Orsay - est Le Ballon (1899) représentant en vue plongeante dans un parc ou jardin public, lieux souvent peints par Bonnard et Vuillard, une jeune enfant courant après un ballon, tableau exposé dans le bureau du personnage interprété par André Dussollier dans le film de J.-P. Lilienfeld tourné en 2021, Juliette dans son bain. Félix Vallotton passe en 1899 l'été à Etretat d'où il rapporte plusieurs marines qui font l'admiration de l'écrivain Edmond Jaloux. Dès 1905, il cesse de peindre ses paysages in situ pour prendre l'habitude de les peindre dans son atelier en s'aidant toutefois des croquis qu'il a saisis sur place. Félix Vallotton se montre dès lors "plus véritablement peintre qu'il ne l'était autrefois". (3)       

Décembre 1925 - Est jouée au théâtre Edouard VII la comédie musicale Mozart (livret de Sacha Guitry, musique de Reynaldo Hahn) avec Yvonne Printemps. Est jouée au théâtre des Bouffes Parisiens l'opérette Trois jeunes filles nues avec Dranem et Colette Etcherry. 

 

Le prix Goncourt 1925 est attribué à Maurice Genevoix pour son roman Raboliot.

Le prix Nobel de Littérature 1925 est attribué à George Bernard Shaw.

Le prix Nobel de la Paix 1925 est conjointement attribué à Sir Austen Chamberlain pour le rôle qu'il a joué lors de la signature des Accords de Locarno et à Charles Gates Dawes pour le plan qui porte son nom concernant la difficile fixation des réparations.

 

 

 

(1) Catalogue de l'exposition L'Expressionnisme européen au Musée national d'art moderne de Paris (26 mai-27 juillet 1970). 

(2) Souvenirs d'un marchand de tableaux par Ambroise Vollard (Editions Albin Michel et Les Libraires Associés, Paris 1957).

(3) Citation lue dans le catalogue de l'exposition Chefs-d'oeuvre des collections suisses de Manet à Picasso (Orangerie des Tuileries, Paris, 1967).

 

  

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