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25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 10:30

Jean Cocteau est né le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffitte près de Paris. Il a l'âge de la Tour Eiffel, inaugurée le 31 mars précédent à l'occasion de l'Exposition Universelle malgré la protestation de nombreux artistes "contre l'érection en plein cœur de notre capitale de l'inutile et monstrueuse Tour Eiffel". "Le public veut comprendre, sentir ensuite", écrira plus tard Jean Cocteau.

Ecrire sur Jean Cocteau n'est pas chose aisée. "Il me semble impossible d'écrire des Mémoires. D'abord j'embrouille les époques. Il m'arrive de sauter dix ans et de mettre des personnages dans des décors qui appartiennent à d'autres. La mémoire est une nuit terrible et confuse. Je craindrais à m'y aventurer d'encourir la punition des archéologues violant les sépultures d'Egypte." (1)

Au début du 20ème siècle, peintres et poètes se groupent à Montmartre. "En 1916, pendant la guerre, c'était Montparnasse. J'y vins par l'entremise de Picasso. Ses fenêtres donnaient sur les tombes du cimetière Montparnasse. Il désirait me peindre en Arlequin. Après les poses nous sortions et visitions les ateliers cubistes. La promenade s'achevait au Café de la Rotonde.

(...) Je conservais, à Montparnasse, mon costume de rive droite ou mon uniforme (que je porte sur le dessin de Picasso). En 1916, je servais en Belgique et je n'apparaissais qu'aux périodes des permission." (2)

1914 ! La guerre. Réformé, Jean Cocteau est engagé à la Croix-Rouge, participe au convoi d'évacuation de blessés en Champagne, assiste au bombardement de Reims, puis part comme ambulancier pour le front des Flandres. "Bien que jugé par les médecins "inapte au service militaire", vous avez choisi de faire cette guerre, dangereusement, avec un convoi sanitaire civil. Adopté par un régiment de fusiliers marins, vous avez vécu à Dixmude dans des guitounes, sous un ciel constellé de fusées blanches et d'astres ; vous avez volé avec Roland Garros. La guerre se fit complice de votre génie naissant. Toute campagne introduit, dans la vie quotidienne, une part de féerie. Elle brise des liens, elle en noue d'autres. Vos tranchées s'enfonçaient dans le sable et dans l'eau. Les obus "ponctuaient la fin de leur paraphe soyeux d'un pâté noir de foudre et de mort". Là vous avez connu la souffrance, et la Mort est entrée dans votre intimité. Sur la guerre, vous avez écrit, après le nécessaire temps de gestation, l'un de vos meilleurs romans : Thomas l'Imposteur, dans un style dur, avec une sécheresse toute stendhalienne." (3)

"Ce fut à Reims que Clémence de Bormes et Guillaume eurent le baptème du feu. En y arrivant, des collines, on la voyait en bas, comme le bûcher de Jeanne d'Arc. Sa fumée sombre s'étalait, plate, aussi loin que celle des paquebots sur la mer.

Dans la ville l'herbe poussait, des arbres sortaient par les fenêtres. Les immeubles ouverts en deux montraient le papier à fleurs des chambres. L'une avait encore sa commode, un cadre sur un mur. Le lit pendait au bord d'une autre.

La cathédrale était une montagne de vieilles dentelles.

Les médecins militaires, que le bombardement intense mettait dans l'incapacité d'agir, attendaient une accalmie dans la cave du Lion d'Or. Trois cents blessés remplissaient l'hospice et l'hôpital. Reims se trouvant, en cas de guerre, sous la protection d'une ville qui ne s'en souciait pas, ne pouvait ni évacuer, ni nourrir personne. Les blessés mouraient de leurs blessures, de la faim, de la soif, du tétanos, du tir." (4)

En 1916, il est affecté dans un service du ministère des Affaires Etrangères. Au début de l'année suivante, il attend le congé qui lui permettra de partir pour Rome afin de rejoindre Picasso et la troupe des Ballets russes pour les répétitions de Parade, ballet sur une musique d'Erik Satie. Il passe sept semaines en Italie. Du 10 au 13 mars 1917, il est à Naples et à Pompéi.

"Picasso disait : on s'excite avec Naples et c'est avec Rome qu'on couche - Rome flatte son humeur matrimoniale. Cette grosse épouse de pape ouvre un œil de Rond de Bosse mais Naples est une kermesse ininterrompue et son œil fait de l'œil - Ses maisons se bousculent avec les matelots et on contemple les bordels ouverts comme de belles boutiques avec des saintes vierges, des candélabres, des globes et des gramophones d'or." (5)

Ce n'est pas le premier voyage que Jean Cocteau effectue en Italie. En septembre 1908, il a séjourné à Venise avec sa mère. "Le soir de l'arrivée, la gondole de l'hôtel amuse comme une attraction foraine. Ce n'est pas un véhicule ordinaire. Les parents, hélas, ne l'entendent pas ainsi. Venise commencera demain. Ce soir, on ne monte pas en gondole ; on monte en omnibus. On compte les malles. On ne regarde pas la ville qui ressemble aux coulisses de l'Opéra pendant l'entr'acte." (6)

Avant la guerre de 14, quand il n'est pas en Italie, il est sur la Côte d'Azur. A Pâques 1911, il séjourne au Cap Martin avec Mme Daudet et son fils Lucien. Ce dernier le présente à l'impératrice Eugénie. "Lucien me fit connaître l'impératrice Eugénie au cap Martin, où nous habitions l'hôtel avec nos mères. L'impératrice possédait la villa Cyrnos, un des jardins à pic qui bordent la mer, entre la propriété de Mme D..., infestée de grenouilles coassantes, et celle de Maria Star." (1)

Au cours de cette même année 1911, il fait la connaissance d'Alain Fournier et de Péguy tandis que Diaghilev le met en relation avec Stravinski. En 1913, il séjourne chez Claude Casimir Périer et son épouse Simone avec Alain Fournier et Péguy. "Je ferme les yeux. J'entends des fou-rires. Un arbre secoué par le rire lâche ses fruits et ses oiseaux. Nous sommes assis sur les marches qui conduisent à nos chambres de campagne, chez Madame Simone, alors épouse de Claude Casimir Périer. Péguy, Alain Fournier, Claude, Simone et moi, nous rions à perdre haleine. Nous rions à plat-ventre dans les hautes herbes, au bord d'une petite rivière qui traverse le parc. Puis-je me douter, sous ce funeste soleil de 1913, que trois des reflets que je regarde me sourire à la renverse, vont être emportés par l'eau courante... Dieu seul sait où." (7)

Alain Fournier écrit à son ami Jacques Rivière, écrivain et directeur de la N.R.F. : "A l'heure qu'il est - neuf heures du soir - je suis dans le petit salon. Claude joue du piano. Simone est étendue dans l'obscurité sur un grand divan. Elle m'a demandé à qui j'écrivais ; et m'a prié de faire beaucoup d'amitiés à ma sœur.

(... ) J'attends les épreuves du Grand Meaulnes. " (8)

Le 18 mai 1917 a lieu au Châtelet, à Paris, la première de Parade... qui fait scandale ! "Le scandale de Parade était un scandale de public. Il venait aussi d'une coïncidence de la représentation avec la bataille de Verdun. La manchette du journal L'Œuvre portait : Nous attendions un rouleau compresseur, on nous donne un Ballet Russe." (9)

Trois ans plus tard, Raymond Radiguet écrira dans Le Gaulois : "Après le scandale de 1917, le triomphe remporté par ce ballet mardi dernier, lors de la soirée Picasso, a prouvé aux amis de Parade qu'ils ne sont pas des monstres. Donc Parade n'est plus une œuvre "maudite", et les auteurs eux-mêmes sont tout prêts à trouver des excuses à l'attitude du public du Châtelet : mal averti, il croyait se trouver non pas devant une œuvre ne relevant d'aucune école, mais devant un manifeste cubiste. De plus, croyant le cubisme d'origine allemande, le public trouva tout naturellement indécent que l'on représentât en pleine guerre une œuvre soi-disant "munichoise". Mais Picasso n'est-il pas un artiste dont s'enorgueillit la France ?"

Les répétitions de Parade avaient eu lieu dans la ville natale de Guillaume Apollinaire. Ce dernier meurt le 11 novembre 1918. "Il mourut le jour de l'armistice. Telle est la différence de point de vue entre notre univers et celui des autres, que nous estimâmes qu'on pavoisait la ville en son honneur." (10)

(1) Portraits-souvenir par Jean Cocteau (Editions Grasset, 1935)

(2) Modigliani par Jean Cocteau (Editions Gallimard, 1959)

(3) Réponse d'André Maurois au discours de Jean Cocteau à l'Académie française le 20 octobre 1955.

(4) Thomas l'imposteur par Jean Cocteau (Editions Gallimard, 1923)

(5) Correspondance Jean Cocteau - Guillaume Apollinaire par Pierre Caizergues et Michel Décaudin (jeanmichelplace, 1991)

(6) Le Grand Ecart par Jean Cocteau (Editions Stock, 1923)

(7) Discours de réception de Jean Cocteau à l'Académie française le 20 octobre 1955.

(8) Jacques Rivière Alain Fournier Une amitié d'autrefois lettres choisies (Editions Gallimard, 1991)

(9) Opium par Jean Cocteau (Editions Stock, 1930)

(10) Apollinaire par Jean Cocteau (Editons Gallimard, 1959)

Venise (Italie) où Jean Cocteau se rend avec sa mère en septembre 1908.

Venise (Italie) où Jean Cocteau se rend avec sa mère en septembre 1908.

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