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23 novembre 2023 4 23 /11 /novembre /2023 10:19

 

 

 

Aristide Maillol (2/2)

 

 

Rappel du chapitre précédent

Le sculpteur Aristide Maillol, son principal mécène le comte Harry Kessler et le poète autrichien Hugo von Hofmannsthal parcourent ensemble la Grèce durant le printemps de l'année 1908. Après Athènes et Eleusis, le trio se dirige vers Delphes. Un différend ayant opposé Kessler à von Hofmannsthal, ce dernier quitte prématurément le pays avant que Maillol et Kessler ne se dirigent, le 15 avril, vers Olympie.

 

 

Dans la vallée de l'Alphée dominée par une colline de 125 mètres de haut, s'étend le sanctuaire (Altis) ruiné d'Olympie à deux pas du stade où, jusqu'en 393 après J.-C., eurent lieu les Jeux Olympiques de l'Antiquité. Le site a été fouillé par des archéologues français vers 1830 puis des travaux qui ont permis de dégager de nombreuses oeuvres d'art ont été entrepris par l'Institut Allemand d'Archéologie entre 1875 et 1881 sous l'égide de Ernest Curtius (décédé en 1896) qui était le directeur du musée des Antiquités de Berlin. "Olympie vient du nom de Zeus Olympien : le protecteur des jeux." (1) A l'origine sur une seule journée, la durée des Jeux Olympiques fut allongée à cinq jours en raison de l'augmentation du nombre des épreuves. "Les plus beaux jeunes gens se rencontraient dans les grandes compétitions du stade d'Olympie, qui rassemblaient tous les quatre ans les meilleurs athlètes du monde grec." (1) Après la visite des ruines du temple de Zeus, où se trouvait dans l'Antiquité la statue chryséléphantine (d'or et d'ivoire) de Zeus Olympien réalisée par Phidias vers 430 avant J.-C., Maillol, qui constate que des fouilles sont toujours en cours sur le site, se rend au musée où a été reconstitué le décor des deux frontons du dit temple dont il ne reste rien hormis quelques tambours de colonnes alignés qui rendent compte des dimensions de l'édifice ainsi que quelques chapiteaux éparpillés çà et là. Nous ne décrirons pas ici le temple de Zeus tel qu'il était dans l'Antiquité, d'éminents spécialistes l'ayant fait dans différentes publications, comme Jacques Lacarrière, par exemple, dans un ouvrage sur Pausanias (qui a parcouru la Grèce au 2ème siècle après J.-C.) paru en 1991 (livre référencé ci-dessous). Arrêtons-nous plutôt sur le décor du fronton occidental du temple de Zeus qui a été reconstitué dans le musée proche des ruines. 

 

Le comte Kessler, durant ce séjour en Grèce du printemps 1908, a pris de très nombreuses photos. Non pas des selfies pris du bout d'une perche et immédiatement relayés sur des sites où des "amis" partagent leurs impressions de voyage, de coeur, bref leurs impressions tout court, mais des photos de Maillol admiratif devant les innombrables beautés qu'offre le Péloponnèse. Maillol assis sur des blocs de pierre regardant les collines environnantes, Maillol debout contre un fût de colonne dessinant au crayon dans un carnet ce que devait être le temple de Zeus à l'époque de Phidias, Maillol chevauchant un âne sur un sentier de montagne, Maillol attentif devant les statues du fronton oriental du temple de Zeus avec en son centre la statue du dieu et celles représentant Pélops et Oinomaos durant un concours de chars. "L'autre fronton, celui de l'ouest, avec ses Centaures au visage crispé par l'effort et la rage érotique, contrastant avec celui d'Apollon (...) ferme et posé, trônant au-dessus de la mêlée" (2) représente le combat des Lapithes et des Centaures. Maillol admiratif devant les statues de dieux et de personnages nus (athlètes, lutteurs, serviteurs), voilà bien ce qui satisfait le comte Kessler lui aussi enthousiasmé par ces corps forts et beaux. Car Kessler qui a remarqué que Maillol ne sculpte que des corps féminins voudrait que celui-ci fasse des statues d'hommes. On ne connaît que trois corps masculins sculptés par la main de Maillol : le personnage du haut-relief dit Le Désir entrepris par Maillol en 1907 et dont un exemplaire se trouve au musée d'Art Hyacinthe Rigaud de Perpignan, Le Cycliste (au départ Kessler voulait un Narcisse amoureux de sa propre beauté) d'après un modèle (Gaston Colin) que Kessler connaissait et qu'il fit entrer dans l'atelier du sculpteur, enfin une statue de Jeune Homme que Maillol ébaucha en Grèce, dans un petit port proche d'Athènes. Plus tard, en 1911, une statue d'Apollon pour un monument à Nietzsche qui devait être élevé à Weimar et pour lequel le danseur russe Vaslav Nijinsky fut un temps pris comme modèle n'aboutira pas. A son retour en France, Maillol reprendra la sculpture avec "l'intention de faire un homme (...) mais ça devient toujours une femme". (Extrait du Journal de Harry Kessler à la date du 25 août 1904 / 3) Le 31 mai 1908, Maillol et Kessler quittent la Grèce et regagnent la France via Naples et Marseille. 

 

Maillol, comme on l'a vu dans un précédent chapitre, était très apprécié en Allemagne. Les musées allemands compte encore aujourd'hui nombre de ses oeuvres comme Eve à la pomme (Berlin), Femme debout se coiffant (Mannheim), Baigneuse debout (Hanovre), Jeune fille accroupie (Stuttgart), Le Cycliste (Essen), pour n'en citer que quelques-unes. Entre 1905 et 1914, les musées de Berlin, Brême, Francfort, Mannheim acquirent des oeuvres de Maillol pour leurs collections. Le collectionneur Karl Ernst Osthaus acquit des oeuvres de Maillol pour son musée de Hagen dont la collection fut transférée à Essen en 1922. Si Kessler possédait des sculptures de Maillol, d'autres collectionneurs allemands en possédaient aussi (Kurt von Mutzenbecher, Eberhard von Bodenhausen) tout comme des peintres (Max Liebermann, Hans Purrmann). "C'est Paul Cassirer, dont la galerie de Berlin semblait un prolongement de la rue Laffitte ; c'est le peintre berlinois Max Liebermann qui accrochait aux murs de son atelier nos plus beaux impressionnistes ; ce sont les directeurs des musées allemands ; (...) tous ces collectionneurs berlinois que l'on voyait, dans les ventes de l'Hôtel Drouot..." (4) Il va sans dire que le déclenchement de la Première Guerre mondiale mettra un frein à ces relations amicales et commerciales entre l'artiste, ses admirateurs et ses acheteurs. En 1914 et 1915, on reprochera même à Maillol ses liens étroits, sa trop grande proximité avec les collectionneurs allemands. De l'autre côté du Rhin, le directeur de la Kunsthalle de Brême qui a acquis, pour son musée, de nombreux tableaux de peintres français entre 1903 et 1911, sera accusé en 1914 par les milieux nationalistes d'avoir favorisé l'art français au détriment des artistes allemands. Après la guerre, Maillol réalisera des sculptures pour trois monuments aux morts de communes des Pyrénées-Orientales : Céret en 1922, Port-Vendres en 1925 et Banyuls en 1932. En 1930, il visitera l'Allemagne avec Kessler qui se réfugiera en France en 1933. Enfin, en 1937, la première grande rétrospective de l'oeuvre de Maillol se tiendra au Petit-Palais à Paris. Le comte Harry Kessler décédera à Lyon le 30 novembre 1937. Aristide Maillol s'éteindra à Banyuls le 27 septembre 1944.                                         

 

 

(1) De l'aube des civilisations aux débuts de la Grèce antique par Carl Grimberg (historien suédois décédé en 1941), adaptation française sous la direction de Georges-H. Dumont, conservateur aux Musées Royaux d'Art et d'Histoire (Belgique) / Editions marabout, Verviers, 1974.   

(2) Promenades dans la Grèce antique par Jacques Lacarrière (Hachette, 1991).

(3) Catalogue de l'exposition Aristide Maillol organisée par le Georg-Kolbe Museum de Berlin et le musée cantonal de Lausanne, à Berlin, Lausanne, Brême et Mannheim entre janvier 1996 et mars 1997. 

(4) Souvenirs d'un marchand de tableaux par Ambroise Vollard (Editions Albin Michel et Les Libraires Associés, Paris, 1957) 

 

Aristide Maillol (1861-1944), peintre et sculpteur (Musée Hyacinthe Rigaud, Perpignan)

Aristide Maillol (1861-1944), peintre et sculpteur (Musée Hyacinthe Rigaud, Perpignan)

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