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11 janvier 2024 4 11 /01 /janvier /2024 16:29

 

 

                                         1924  

 

 

Une nouvelle année commence. Une année qui sera riche en événements. Année électorale en France (élections sénatoriales en janvier, élections législatives en mai et élection présidentielle en juin) et aux Etats-Unis (élection présidentielle en novembre). Installation au 10 Downing Street d'un nouveau Prime Minister. Une année vouée au sport : 1924, année de deux olympiades, une en hiver, l'autre en été. Que la paix soit sur le monde ! Que la réconciliation entre les peuples soit le credo de cette année 1924 ! "Depuis le Traité de Versailles, voici enfin le premier tournant heureux en politique internationale." (1)

 

 

Janvier - £1 = 96 francs ; $1 = 19 francs.

14 janvier - Première réunion permettant de mettre au point le plan Dawes consacré aux Réparations, plan que le gouvernement français acceptera le 18 avril. L'Allemagne devra payer d'abord une somme annuelle d'1 milliard de marks, somme qui montera progressivement jusqu'à la fin des années 20 à 2 milliards 500 millions de marks.

22 janvier - Pour la première fois un travailliste, Ramsay Mac Donald, entre au 10 Downing Street (résidence officielle du Prime Minister en Angleterre depuis 1731) à la suite des élections générales de décembre 1923 qui ont vu la défaite des Conservateurs. 

  

25 janvier-4 février - Premiers Jeux Olympiques d'hiver qui se déroulent à Chamonix.

 

Janvier - Les élections sénatoriales (renouvellement d'un tiers du Sénat) marquent un glissement vers la gauche à quatre mois des élections législatives.

 

12 février - Création dans une salle de concert de New York (sur la 42ème Rue) de Rhapsodie in Blue (for Jazz band and piano) de George Gershwin. "Il y a des idées et des façons de jazz dans cette partition appuyée sur un fond de musique classique d'imprégnation romantique. Le piano a le rôle conducteur et souvent la clarinette dialogue avec lui." (2) En novembre 1924, George Gershwin présentera au public un spectacle intitulé Lady, Be Good ! composé pour Fred Astaire et sa soeur Adele sur des textes de Ira Gershwin. Parmi les chansons écrites pour ce spectacle, il y avait The man I love insérée dans l'acte I puis déplacée dans l'acte II et finalement supprimée avant la création du show à New York mais reprise dans un autre spectacle, Strike Up the Band, trois ans plus tard. 

18 février - Le musicien Leon "Bix" Beiderbecke qui vient d'intégrer le Wolverine Jazz Band, formation dirigée par le pianiste Dick Voynow, enregistre deux titres dans un studio de Richmond (Indiana, USA) : Fidgety Feet et Jazz Me Blues.

25 février-8 mars - Exposition d'oeuvres d'André Masson à la galerie Simon (Kahnweiler), 29bis rue d'Astorg (Paris 8ème).      

Mars - Alors que sort en librairie son dernier ouvrage intitulé Le Libertinage, Louis Aragon (26 ans) commence l'écriture du suivant qui sera publié sous le titre Le paysan de Paris et dont une partie est consacrée au passage de l'Opéra.

 

Ça c'est Paris... Paris, reine du monde, chantée par Mistinguett, Ville-Lumière qui se renouvelle sans cesse, capitale qui accueillera dans quelques mois les Jeux Olympiques d'été, Paris est en cette année 24, en pleine transformation, en pleine mutation, en plein bouleversement. Depuis Haussmann et l'ouverture de nombreux boulevards, de nombreuses avenues, la construction de l'Opéra, l'île de la Cité transfigurée, le mur des Fermiers-Généraux démoli à partir de 1859, puis après le Second Empire, l'Exposition universelle de 1889 et l'inauguration de la Tour Eiffel, puis celle de 1900 et la construction du Grand-Palais et du Petit-Palais en lieu et place du Palais de l'Industrie ainsi que la construction de la gare d'Orsay en remplacement du palais d'Orsay incendié en 1871, jusqu'à la démolition de l'enceinte fortifiée de Thiers (1844) entre 1920 et 1924... Bref, Paris constamment se refond, se réforme, se reforme. 

 

Au printemps 1924, entre ventôse et germinal, Louis Aragon entreprend de nous emmener à la découverte du passage de l'Opéra dont le texte paraîtra en feuilleton durant l'été suivant dans La Revue européenne dirigée par Philippe Soupault. Au moment où il rédige ce texte, le passage de l'Opéra est voué à la démolition. Dans quelques mois, voire quelques semaines, il n'accueillera plus les chalands venus y faire quelques emplettes, les consommateurs habitués à siroter un apéritif ou une bière tout en parcourant l'édition du soir de leur journal favori, les têtes brunes ou blondes souhaitant changer de coiffure et/ou se faire tailler la barbe, les philatélistes en herbe ou confirmés, les spectatrices et spectateurs du théâtre Moderne, les touristes ou business.wo.men regagner leur chambre d'hôtel avec ou sans malles, les passants surpris par une averse venus se mettre à l'abri dans les galeries parallèles qui formaient le passage de l'Opéra décrit par Aragon : la galerie du Baromètre et la galerie du Thermomètre. (3) 

Ouvert en 1822 sur le terrain qui entourait un hôtel particulier du 18ème siècle (qu'a remplacé un immeuble d'habitation au début des années 1920 au 1 de la rue Drouot ), le passage de l'Opéra menait depuis le boulevard des Italiens au théâtre de l'Opéra de la rue Le Peletier (ancêtre de l'Opéra Garnier). Paris, dans ses Ier, IIè, VIIIè et IXè arrondissements, comptait alors et compte encore de nombreux passages couverts (passage des Panoramas, passage Jouffroy, passage Verdeau, passage Choiseul) appelés aussi galeries (galerie Vivienne, galerie Colbert, galerie Véro-Dodat, galerie de la Madeleine). Certains de ces passages, tous ouverts au 19ème siècle, ont disparu comme le passage de l'Opéra (en 1924) pour permettre au boulevard Haussmann de déboucher sur le carrefour Richelieu-Drouot, le passage du Saumon (en 1899) qui a fait place à la rue Bachaumont (2ème arrondissement) ou encore le passage du Pont-Neuf (en 1912) remplacé par la rue Jacques Callot (6ème arrondissement). (4) 

Intéressons-nous à un quadrilatère dont les côtés s'appelleraient boulevard des Italiens, rue Laffitte, rue Rossini et rue Drouot. "Le boulevard Haussmann est arrivé aujourd'hui rue Laffitte", disait l'autre jour l'Intransigeant" écrit Louis Aragon dans Le passage de l'Opéra. Le boulevard Haussmann qui s'étire de la rue Drouot à la rue du faubourg Saint-Honoré sur une longueur d'environ 2,5 kilomètres a été ouvert en plusieurs étapes, la dernière, dans les années 1920, permettant, comme on l'a vu plus haut, à celui-ci d'atteindre le carrefour Richelieu-Drouot en faisant disparaître nombre d'immeubles des rues Laffitte, Drouot et du boulevard des Italiens, ce dernier ayant vu ses 14 premiers numéros pairs tombés sous la pioche des démolisseurs. L'immeuble où se trouvait la galerie de Ambroise Vollard, au 6 de la rue Laffitte, ne fut pas épargné, obligeant le marchand d'art à s'installer ailleurs, en l'occurrence rue de Martignac dans le 7ème arrondissement. S'exilèrent aussi Gustave Tempelaere qui avait sa galerie au 36 de la rue Laffitte et la galerie Durand-Ruel qui était au 16 de la dite rue et qui se déplaça au 37 de l'avenue de Friedland (8ème arrondissement). Comme l'a écrit Ambroise Vollard dans Souvenirs d'un marchand de tableaux, "la rue des tableaux, aujourd'hui, ce n'est plus la rue Laffitte". (5) 

Ambroise Vollard et ses confrères de la rue Laffitte ont sans doute bien connu le passage de l'Opéra. Sur l'actuel n°12 du boulevard des Italiens, il s'ouvrait, entre un café et une librairie en deux galeries parallèles et menait jusqu'à la rue Rossini que bordait jusqu'en 1873 la façade nord de l'Opéra de la rue Le Peletier, avec un débouché sur la rue Chauchat. Ce passage ayant disparu il y a tout juste cent ans, j'aurais apprécié en voir quelques photos dans d'anciens et précieux livres. Je pense d'abord à un livre consacré aux photographies de Paris prises par Eugène Atget entre 1898 et 1926 (publié chez Taschen/Bibliotheca Universalis en 2016). Mais Atget ne m'est d'aucun secours. Je veux dire le livre consacré à Atget ne m'est d'aucun secours, aucune photo du passage de l'Opéra n'y figurant. Cependant, une photo - page 231 - du passage de la Sorbonne situé à hauteur du 15 de la rue Champollion dans le 5ème arrondissement - passage disparu lui aussi - pourrait me donner une vague idée de ce que put être celui de l'Opéra. Un passage d'une largeur d'environ 3,70 mètres, largeur identique à celles des deux galeries principales du passage de l'Opéra, galerie bordée de boutiques et couverte d'un toit pentu transparent. Dans le livre intitulé Paris en cartes postales anciennes - Louvre-Bourse par Georges Renoy (paru à la Bibliothèque Européenne-Zaltbommel en 1973), la photo n° 112 présente une vue plongeante sur le boulevard des Italiens prise à la Belle Epoque. Si il est difficile de déchiffrer les enseignes des commerces, hôtels et sociétés arborées sur les façades paires du boulevard, une marquise qui se détache de la façade d'un immeuble à hauteur du deuxième étage pourrait avoir été l'entrée du passage qui nous intéresse. Indice intéressant ou fausse piste ? En tout cas, ce n'est pas l'auteur belge francophone qui me renseignera puisque celui-ci est décédé en mai 2001. Je me plonge alors dans un ouvrage intitulé Promenades dans le Paris disparu de Leonard Pitt - écrivain et dramaturge américain - paru chez Parigramme en 2002. Mais l'ouvrage ne traite pas du Paris de la Nouvelle-Athènes en particulier et du 9ème arrondissement en général. Peut-être existe-t-il un autre tome du même auteur ? Quoi qu'il en soit, comme tout un chacun, je me tourne vers le surpuissant internet qui par son intelligence supérieure qui je l'espère n'est pas artificielle me donne à voir trois clichés du passage de l'Opéra pris par Charles Marville (décédé en 1879), le photographe du Paris qui allait disparaître, le photographe d'un Paris disparu, je veux dire du Paris d'avant Haussmann. Mais puisque les photos ne donnant que peu de détails sur ce que fut le passage de l'Opéra et ne restituant ni sa quintessence, ni son émanation, ni ce qu'il avait d'essentiel, de spécifique, retournons à la lecture du texte d'Aragon pour en découvrir davantage. (suite au prochain chapitre)                                     

              

28 mars-17 avril - Exposition intitulée Oeuvres nouvelles de Picasso à la galerie Paul Rosenberg, rue La Boétie (Paris).

 

Mars - £1 = 127 francs. Afin d'enrayer la chute du franc, Raymond Poincaré prend des décisions par décrets-lois, c'est-à-dire sans vote du Parlement : augmentation des impôts, renforcement du contrôle fiscal, réalisation d'un milliard d'économies. 

 

 

(1) Citation lue dans Vingt ans de suspense diplomatique par Geneviève Tabouis (Editions Albin Michel, 1958).

(2) Extrait du programme du concert donné par l'orchestre des Concerts Colonne le 24 février 1974 au théâtre du Châtelet (Paris)

(3) Tandis qu'Aragon parle du passage de l'Opéra comme étant formé de deux galeries, celle du Baromètre et celle du Thermomètre, reliées entre elles par deux traverses, Jacques Hillairet, dans son Dictionnaire historique des rues de Paris (ouvrage en deux volumes paru aux Editions de Minuit en 1963), parle lui des galeries du Baromètre et de l'Horloge sans mention de la galerie du Thermomètre, cette dernière ayant peut-être été une galerie perpendiculaire aux deux autres.    

(4) Le 26 mars 1926 ouvrira au 16 de la rue Jacques Callot, la Galerie Surréaliste avec une exposition intitulée "Tableaux de Man Ray et Objets des Iles". 

(5) Souvenirs d'un marchand de tableaux par Ambroise Vollard (Editions Albin Michel et Les Libraires Associés, Paris, 1957)

 

En italique sont des phrases issues du livre de Louis Aragon Le paysan de Paris publié chez Gallimard en 1926 et disponible chez Folio.

 

              

En 1924, les gramophones jouent les airs de George Gershwin.

En 1924, les gramophones jouent les airs de George Gershwin.

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