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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 14:22

 

(suite de notre article du 3 février 2012)

 

Après le bac, Josep Sebastià Pons dit à son père, qui voudrait le voir partir étudier à Montpellier, qu'il aimerait bien poursuivre ses études d'espganol. Grâce à un professeur qui lui conseille de poursuivre dans cette voie, Pons part pour Madrid. Nous sommes en 1906 et c'est Alphonse XIII qui règne en Espagne depuis 4 ans. Le 31 mai 1906, le roi épouse Victoria Eugenia de Battemberg, petite-fille de la reine Victoria : un attentat a lieu au passage du cortège royal sur la Calle Mayor près de l'Hôtel de ville. Mais c'est en octobre que Pons part pour la capitale espagnole, via Barcelone, où il passe quelques jours, pour parfaire son espagnol.

"La gare d'Atocha où je débarquai vers les huit heures, semblait faire relâche. Nulle part, le silence matinal des gares n'est plus sensible qu'à Madrid. Je fus seulement surpris par la vivacité de l'air et par la décision du portefaix, qui, avec ma malle sur le dos, sautait de la chaussée au trottoir, tandis que nous gravissions la longue Calle Atocha, une artère d'aspect provincial, sans le moindre monument. Les façades s'alignaient, également sobres, et je n'y observai guère que les boutiques de Ultramarinos, plus jaunes que les régimes de bananes suspendus à l'entrée. Je commençais donc à m'instruire, et j'interrogeais mon portefaix, qui ne se souciait pas de répondre à mes questions."

Pons réside dans une Casa de Huespedes où il partage une chambre qui a pour tout mobilier, "deux lits en fer, le sien et celui qui m'était réservé, une table avec un tapis de couleur indécise, une chaise ou deux, et, dans un coin, un trépied supportant la cuvette et le pot à eau. Enfin, pour compléter cet ensemble, un bout de chandelle dépassait à peine le bougeoir de métal".

(...) "Durant tout l'hiver, le ciel de Madrid demeura bleu vif, intact au-dessus des toits. Mais comme la pension de famille se trouvait dans une ruelle et recevait peu de jour, et qu'elle était perdue dans le réseau de la capitale, je ne voyais presque jamais les feux du couchant, et encore moins ceux de l'aube, ces arreboles et ce rosicler qui servent de toile de fond à la lyrique espagnole."

Durant son séjour, il commence la matinée à lire l'A.B.C., journal conservateur qui s'intéresse surtout aux déplacements du roi et dans lequel Azorin écrit des billets.

"Par exemple, il (*) ne supportait pas mon admiration pour la pensée déliée d'Azorin. Azorin n'était qu'un dangereux libéral introduit frauduleusement dans la rédaction du journal conservateur. Ce n'était qu'un petit philosophe qui rédigeait de petits papiers avec un petit porteplume, sur une petite table. Don Luis l'écartait d'un geste de mépris."

Jose Martinez Ruiz (1873-1967) plus connu sous le nom d'Azorin (nom du personnage d'un des ses romans auquel il s'assimila), est un écrivain qui fut l'instigateur de la Génération 98 - année de la défaite de l'Espagne devant les Etats-Unis (perte de Cuba et des Philippines) -, mouvement qui rassembla des écrivains soucieux du sort de l'Espagne dont ils recherchaient l'âme dans le passé lointain, dans les paysages. Azorin, au fil de son oeuvre, essaya de saisir la vie profonde de son peuple. En 1913, dans un discours prononcé à Aranjuez, il déclare : "Où est l'Espagne ? Nous pouvons formuler cette question à la vue du spectacle qu'offre notre pays. Quittez Madrid et dirigez-vous vers un petit village de Castille, du Levant ou d'Andalousie. Laissez derrière vous vos livres, les théâtres, les causeries agréables entre amis, la promenade vespérale dans les rues illuminées et bruyantes. Oubliez les éternelles discussions des salles de conférences. Restez seuls avec soi-même. Devant vous, s'étend le panorama de la campagne espagnole. Déjà, vous n'entendez pas de discours grandiloquents ; déjà, vous n'apercevez pas l'automobile d'un ministre.

(...) En parcourant ces champs secs et gris, après avoir parlé avec ces paysans résignés et tristes, quand on sort de leurs pauvres logis et qu'on marche par les ruelles des villages, et qu'on assiste, heure après heure, à la vie quotidienne de ces hommes qui, somme toute, sont nos compatriotes mais qui paraissent être des gens d'une autre planète, un sentiment profond s'empare de notre esprit : c'est l'indignation et la désespérance, c'est l'abattement et l'impétueux désir d'anéantissement et de rénovation." (°)

J.S. Pons, à part les heures qu'il passe à l'Ateneo, cercle de lettrés avec bibliothèque où il étudie, salles de spectacles et de conférences où il écoute Miguel de Unamuno, Manuel et Antonio Machado, se promène dans le parc du Retiro : "Je n'oserai décrire ce parc justement célèbre, ses palais, ses colonnades, ses pièces d'eau..."

Ce parc, nous nous y promènerons dans un prochain article.

         

  

(*) Don Luis, un habitué de la pension où Pons réside à Madrid.

Tous les passages cités sont de Pons dans L'oiseau tranquille, sauf (°) Azorin, discours prononcé à Aranjuez en 1913.   

 

 

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