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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 07:36

 

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- "Garcia Lorca marchait devant, sans cesser de rire et de parler. Il était heureux. C'était son habitude. Il avait le bonheur dans la peau." Pablo Neruda.

 

""En 1933 je fus nommé consul du Chili à Buenos Aires, où j'arrivai au mois d'août. Presque à la même époque débarquait dans cette ville Federico Garci Lorca, venu diriger et créer sa tragédie Noces de sang, jouée par la compagnie Lola Membrives. Nous ne nous connaissions pas encore mais nous nous rencontrâmes à Buenosiellement Aires et par la suite écrivains et amis souvent nous fêtèrent ensemble."

Au début de l'année 1934, Pablo Neruda est nommé consul à Barcelone puis à Madrid. Dans la capitale espagnole il retrouve Garcia Lorca, Rafael Alberti et fais la connaissance de tous leurs amis dont Jose Bergamin et Vicente Aleixandre. Neruda est toujours en poste à Madrid quand éclate la guerre civile.

"Tout commença pour moi le soir du 19 juillet 1936. Un Chilien sympathique et aventureux, Bobby Deglané, était imprésario de 'catch as catch can' au cirque Prince de Madrid. Je lui avais exposé mes doutes au sujet de ce 'sport' et de son sérieux, et il m'avait convaincu d'aller sur place, avec Garcia Lorca, vérifier l'authenticité du spectacle. Federico ayant accepté, nous avions décidé de nous retrouver à la porte du cirque à une heure convenue. Nous passerions un bon moment à regarder les truculences du Troglodyte Masqué, de l'Etrangleur Abyssin et de l'Orang-Outang Sinistre.

Federico ne vint pas au rendez-vous. Il avait pris le chemin de sa mort. Nous ne nous revîmes plus. Il avait rendez-vous avec d'autres étrangleurs. C'est ainsi que la guerre d'Espagne, qui allait transformer ma poésie, commença pour moi par la disparition d'un poète.

Et quel poète ! Je n'ai jamais vu réuni comme en sa personne la grâce et le génie, le coeur ailé et la cascade cristalline. Federico Garcia Lorca était le farfadet dissipateur, la joie centrifuge qui recueillait dans son sein le bonheur de vivre et l'irradiait comme une planète. Ingénu et comédien, cosmique et provincial, musicien étonnant, mime parfait, ombrageux et superstitieux, rayonnant et bon garçon, il résumait en quelque sorte les âges de l'Espagne, la floraison populaire ; c'était un produit andalou-arabe qui illuminait et parfumait comme un buisson de jasmins la scène entière de cette Espagne hélas ! disparue.

(...) Federico Garcia Lorca n'a pas été fusillé ; on l'a assassiné. Naturellement, personne n'imaginait qu'on le tuerait un jour. De tous les poètes d'Espagne il était le plus aimé, le plus choyé, et le plus 'enfant' par sa merveilleuse allégresse. Qui aurait pu croire qu'il y aurait sur la terre, et sur sa terre, des monstres capables d'un forfait aussi inexplicable ?" (1)

 

- "En tout cas une chose est certaine. Chaque fois que, du fond de ma solitude, je réussis à faire jaillir de mon cerveau une idée géniale ou à donner un coup de pinceau archangéliquement miraculeux, j'entends toujours la voix rauque et doucement étouffée de Lorca qui me crie : Olé !" Salvador Dali.

 

Salvador Dali rencontre Garcia Lorca à Madrid en 1922 alors qu'il étudie la peinture  à la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando. Garcia Lorca passe plusieurs étés avec Dali à Cadaques. Une brouille les éloigne amis ils se revoient de temps à autre et en 1936...

"La dernière fois que je vis Lorca, ce fut à Barcelone, deux mois avant la guerre civile. Gala qui ne le connaissait pas fut bouleversée par ce phénomène gluant, d'un lyrisme total. Ce sentiment fut d'ailleurs réciproque : pendant trois jours, Lorca, émerveillé, ne parla que de Gala. De même, Edward James, le poète immensément riche et aussi super-sensible qu'un oiseau-mouche, resta pris et immobilisé dans la glu de la personnalité de Federico. (...) En effet, James venait de louer la villa Cimbrone, près d'Amalfi, qui inspira Parsifal à Wagner. Il nous invitait à y aller vivre Lorca et moi, aussi longtemps que nous le voudrions. Pendant trois jours, mon ami se débattit contre cette alternative angoissante : irait-il ou n'irait-il pas ? Tous les quarts d'heure, il changeait d'avis. A Grenade, son père affligé d'une maladie de coeur craignait de mourir. Finalement, Lorca promit qu'il nous rejoindrait aussitôt qu'il serait allé voir son père pour se rassurer. Entre-temps, la guerre civile éclata. Il fut fusillé tandis qu'aujourd'hui son père est encore en vie.

(...) Les rouges, les semi-rouges, les roses et même les mauves pâles profitèrent à coup sûr à une honteuse et démagogique propagande sur la mort de Lorca, en exerçant un ignoble chantage. Ils essayèrent et essayent encore aujourd'hui de faire de lui un héros politique. Mais moi qui fus son meilleur ami, je puis témoigner devant Dieu et devant l'Histoire, que Lorca, poète cent pour cent pur, était consubstantiellement l'être le plus apostolique que j'aie jamais connu. Il fut simplement la victime propitiatoire de questions personnelles, ultra-personnelles, locales, et avant tout la proie innocente de la confusion omnipotente, convulsive et cosmique de la guerre civile espagnole." (2)

 

(1) Pablo Neruda, J'avoue que j'ai vécu (1974)

(2) Salvador Dali, Journal d'un génie (1964)

 

 

Photo, à Grenade (Espagne)

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