Pablo Neruda est nommé consul du Chili à Madrid en 1935. Lorsqu'un an plus tard la guerre civile éclate en Espagne, son aide aux républicains n'est pas du goût de son gouvernement qui le relève de ses fonctions. Il quitte alors l'Espagne pour Paris.
"En 1937, nous étions à Paris, et notre principale activité était la préparation d'un congrès mondial d'écrivains antifascistes qui devait se tenir à Madrid. C'est là que je commençai à connaître Aragon. Ce qui me surprit d'abord chez lui c'était son incroyable capacité de travail et d'organisation. Il dictait toutes les lettres, les corrigeait, s'en souvenait. Pas un détail ne lui échappait. Il restait de longues heures à travailler dans notre petit bureau. Et après, on le sait, il écrit de gros livres en prose et sa poésie est la plus belle de la langue française. Je l'ai vu corriger les épreuves de traductions qu'il venait de faire du russe et de l'anglais, et les refaire sur le même papier d'imprimerie. Il s'agit, en vérité, d'un homme prodigieux, et je m'en rendis compte dès cette époque."
"A Madrid il est consul
En trente-six quand le feu
Change sur la péninsule
En ciel rouge le ciel bleu
Le sang couvre dans Grenade
Le parfum des orangers
Quand s'éteint la sérénade
Du rouge-gorge égorgé
C'est la fin des pigeon-vole
Le vent nouveau maria
Dans la romance espagnole
Au Cid Pasionaria
Une voix américaine
S'est mêlée aux musiciens
Et dit l'amour dit la haine
Dit la mort des miliciens
Toi qui racontais aux mères
Comment meurent les enfants
Neruda la graine amère
Mûrit dans l'air étouffant
Te voici tel que toi-même
Là-bas le Chili t'attend
Il grandit dans l'anathème
Le chanteur de quarante ans" (2)
(1) J'avoue que j'ai vécu, Pablo Neruda (Editions Gallimard, 1975).
(2) Extrait de Complainte de Pablo Neruda, Louis Aragon.