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22 février 2019 5 22 /02 /février /2019 09:40

Un intermède. Je m'offre un intermède nez au vent et regard vers le ciel bleu sans nuages de ce mois de février. 18°C à 15 heures. C'est trop, c'est chaud, comme dans une certaine chanson. Y a plus de saisons ma pauv' dame ! Je m'arrête un moment dans le parc de la Pépinière, version XXIème siècle, c'est-à-dire coincé entre un hôtel de police, une voie rapide et sa bretelle de sortie et un pont automobilistique jeté en 1976 sur la Têt pour désengorger un centre ville déjà congestionné. En somme, un paysage de science-fiction. Sur un banc, je repense aux explications du guide et m'évade dans moult réflexions. J'imagine ou j'essaie d'imaginer quel a pu être le parc de la Pépinière au début du siècle précédent, avec ses arbres, cyprès, lauriers, ses haies de buis, ses promeneurs qui flânaient en discourant sur les affaires du temps ou qui seulement le traversaient, vite, pour rejoindre un autre quartier en quête de quelque chose à acheter, à essayer, à échanger. Je regarde ces quelques enfants qui jouent dans un bac à sable et ces adultes qui fixent un quelconque i-phone ou smartphone le regard planté dans des choses virtuelles. Ils ne regardent pas autour d'eux en tout cas. "Caution - Children playground". Il y avait un panneau planté sur le trottoir pour alerter les conducteurs qui devaient là ralentir, être prudents. C'était dans les années 1970 en Angleterre. J'allais cueillir des mûres - blackberry en anglais - dans les parcs avec les enfants de ma famille d'accueil pendant que la mère des dits enfants parlait avec des voisines du quartier. Je parlais mal anglais et ma timidité m'empêchait de parler fort et intelligiblement. "You're a little tweet", me disait-elle souvent, pour m'indiquer qu'elle n'avait pas compris ce que je venais de dire, qu'il me fallait le répéter, que je faisais l'idiot. J'ignorais que, bien des années plus tard, blackberry deviendrait un téléphone et que tweet serait un moyen de communication dont le commun des mortels abuserait, les chefs d'Etat aussi.

 

Quand l'avenue du Maréchal Leclerc s'appelait encore avenue de la Pépinière, mais je vous parle d'un temps que les moins de soixante-quinze ans n'ont pas connu, il y avait côté pair des cafés et sur la rive opposée le parc de la Pépinière qui s'étendait jusqu'au banc sur lequel je suis assis en ce moment. Des cafés, il y en avait beaucoup et leur clientèle était les employés et les clients du marché de gros et de l'abattoir tout proches. Il y avait un café tout en longueur avec une terrasse ensoleillée - appelé Café du Commerce je crois - où il faisait bon boire un Byrrh ou une absinthe. C'était trois décennies avant la loi du 24 septembre 1941 qui régit toujours de nos jours les licences III et IV. Au premier étage de ce Café du Commerce, dans une grande salle éclairée par de larges fenêtres avec vue sur le parc, un pianiste argentin donnait des cours de solfège aux enfants le jeudi après-midi et faisait danser les couples le dimanche. Mais comment s'appelait ce pianiste ? L'ai-je su ? Me l'a-t-on dit ? Hahn peut-être ? Ce nom me vient comme ça, spontanément. Mais Reynaldo Hahn n'était pas argentin ; il était né à Caracas, une ville dont on parle beaucoup en ce moment mais pour d'autres raisons. Il y a toujours un café à cet endroit, ou plutôt un bar à vin. Le pianiste argentin a rangé ses partitions mais on y vient toujours pour déguster différents cépages accompagnés de charcuterie et de fromage. Sur quels airs dansait-on au premier étage ? Sur des valses ? Sur du tango ? Ou bien sur des airs romantiques de Brahms ou de Chopin ? Sur des musiques de Déodat de Séverac ? Dans un coin de la pièce, un gramophone avec pavillon faisait chanter la sublime cantatrice Renée Vidal. Zélia était son nom de scène. La mezzo soprano, native de Perpignan, a fait, à la fin du 19ème siècle, chavirer le coeur des nombreuses personnalités qui à la fin de chaque représentation lui lançaient des fleurs par brassées. Armand Fallières, président de la République de 1906 à 1913, était, dit-on, un de ses plus grands admirateurs. Elle finit sa vie dans le château qu'elle s'était fait construire près d'Ille-sur-Têt au lieu dit La Sybille. Elle y mourut en 1911 et fut inhumée dans un tombeau visible depuis la route qui mène à Bélesta. Dans ma famille, côté maternel, il y eut aussi une cantatrice, soprano je crois. Marie-Jeanne Martin était son nom. Dans les archives familiales, j'ai pu lire, dans un article qui parle d'elle, édité dans La Vie Lilloise (Organe hebdomadaire, mondain, théâtral, artistique, sportif et financier) - j'aime bien quand la finance passe après le théâtre et l'artistique- dans son numéro 35 daté du 28 août 1928 : "Notre gracieuse compatriote vient de se couvrir de lauriers au dernier concours du Conservatoire à Paris en remportant le premier prix de chant, le 2è prix d'opéra, et un premier accessit d'opéra-comique (...) a été engagée à l'Opéra-Comique où elle débutera bientôt dans Louise, sa pièce préférée, qu'elle chante et qu'elle joue, parait-il, avec une ferveur passionnée."

 

A quelques pas du café de l'avenue de la Pépinière, devant le Castillet, le dimanche, on dansait la sardane. En 2019, Perpignan est Capitale de la sardane. Cette ronde autour du soleil, danse sacrée des Catalans, que Max Jacob et Charles Trenet ont si bien mise en vers, sera à l'honneur tout au long de cette année. Le flabiol aussi. Petit par sa taille mais aussi important que les autres instruments de la cobla (faut-il prononcer "cobl" ou "coblaa" ?), de nombreux compositeurs de sardanes ont donné au flabiol - petite flûte à une main au son très aigu - ses lettres de noblesse. Des compositeurs de sardanes, vous n'en connaissez peut-être pas. Je citerai Joan Carreras i Dagas, Bartomeu Vallmajo i Soler et de ce côté-ci des Pyrénées, Max Havart, qui vit le jour à Perpignan en 1924. Deux spécialistes du flabiol, tous deux professeurs au Conservatoire de Perpignan, ont retranscrit des compositions classiques en l'intégrant dans des concerts de musique de chambre. Le flabiol ne se cache plus donc et devient noblement l'égal du violon et du violoncelle. Je ne peux, pour terminer ce court paragraphe sur la sardane, ne pas citer Enric Morera (1865-1942), compositeur de la sardane intitulée Santa Espina, véritable hymne d'une Catalogne qui voudrait être reconnue non plus comme une région mais comme un Etat.

      

Le Conservatoire de Perpignan offre, plusieurs fois par mois aux Perpignanais, des concerts de très grande qualité. Aller écouter des concerts classiques me manquait. Après avoir été un fidèle abonné aux concerts Colonne dans les années 1970 - concerts présentés par Pierre Hiégel - qui m'ont permis d'écouter de grands interprètes comme Yehudi Menuhin, Paul Paray, Maxime Chostakovitch, Michel Béroff, Jean-Philippe Collard, Miyoko Sato, Olivier Messiaen, la trépidante vie parisienne m'a éloigné un certain temps des salles de spectacles. J'avais hâte de revenir à mes loisirs premiers. Le Conservatoire de Perpignan m'a permis de me replonger dans les délices de la musique symphonique et la musique de chambre. Et de me faire connaître deux compositeurs nés à Perpignan : François de Fossa et Ange-Georges Bousquet. Les interprètes, professeurs comme élèves, sont magnifiques. De grand talent. Je repense à ce qu'a dit le guide un peu plus tôt, que la caserne Saint-Martin avait cédé la place à un conservatoire. La musique adoucit les moeurs, dit-on. Le grand violoncelliste Pablo Casals a dit : "La musique, ce merveilleux langage universel compris de tous les hommes, devrait contribuer à les rapprocher." (Vous avez 4 heures !) Je quitte mes pensées. Le soleil rougeoie le ciel. Des dizaines d'oiseaux jaillissent d'un arbre en piaillant ou zinzibulant. Les enfants continuent de jouer dans le bac à sable ; les adultes fixent toujours avidement leurs boîtes connectées à des choses virtuelles.                            

12 avenue du Maréchal Leclerc, Perpignan

12 avenue du Maréchal Leclerc, Perpignan

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