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9 avril 2021 5 09 /04 /avril /2021 11:06

 

 

2021 : bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert

 

 

 

Gustave Flaubert et Maxime Du Camp, après une bonne nuit passée "à la prison centrale de Fontevrault" (1) se dirigent vers Saumur. Au-delà d'Ancenis, ils entrent en Bretagne par Nantes - Nantes est en Bretagne ? - où ils séjournent durant huit jours. Au musée des Beaux-Arts - créé en 1801 -, après avoir admiré un Tibaldi (1527-1596), un Lancret (1690-1743) et un Delacroix (1798-1863), ils restent longtemps devant une Adoration des Mages, tableau "vivant et drôle, heurté en tons rouges et verts (un peu comme la Tentation de saint Antoine de Breughel)..." (1) [Ce dernier tableau - attribué à Breughel -vu par Flaubert à Gênes lors d'un séjour avec ses parents, sa soeur et son beau-frère en 1845, l'obsédera durant de nombreuses années au point qu'il rédigera une première Tentation de saint Antoine en 1848 qu'il publiera avec quelques remaniements en 1857 mais dont la version définitive ne paraîtra qu'en 1874.] Au cours de la visite, Flaubert déplore les cache-sexe en fer-blanc vissés récemment qui enlaidissent les statues grecques ou copies romaines d'Apollon, du Discobole, etc. "Par ce temps de bêtises plates qui court, au milieu des stupidités normales qui nous encombrent, il est réjouissant (...) de rencontrer au moins (...) une stupidité gigantesque." (1) Ah, la pudibonderie sous Louis-Philippe ! Au muséum d'Histoire naturelle , il voit une momie égyptienne, mais dans trois ans, Flaubert en verra d'autres et de bien plus intéressantes que celle-là.      

Puis les deux amis s'enfoncent dans la Bretagne bretonnante (Breizh) où "on ne parle presque plus français". (1) Les gens qu'ils croisent ne baragouinent pas (verbe dont on dit qu'il vient de bara  - le pain - et gwin - le vin) comme ils pourraient le croire mais parlent la langue bretonne qui s'est implantée en Armorique à partir du 4ème siècle avec l'arrivée de populations originaires de Grande-Bretagne. Le breton est attesté comme langue écrite depuis le 8ème siècle. On peut situer la Bretagne bretonnante à l'ouest d'une ligne allant de Saint-Brieuc à Saint-Nazaire, zone où le nom des lieux comporte un préfixe breton comme ker (Kernascléden), loc (Locmariaquer), plou (Plougasnou), lan (Landerneau), etc.

Les gens d'ici ne baragouinent pas mais vivent à leur façon, s'habillent selon leurs usages. Quand on vit à Paris, qu'on prend son petit-déjeuner puis les transports en commun pour se rendre à son lieu de travail, on n'imagine pas qu'au même moment des gens font de même à Bordeaux, Lille ou Marseille. Et quand on est un touriste visitant une ville, les gens que l'on voit du bus ne sont pas des figurants mais bel et bien des habitants qui vivent ici, travaillent là, vont et viennent selon leurs habitudes. Au cours d'un voyage, il est toujours intéressant et enrichissant d'entrer et de découvrir les intérieurs des maisons de personnes qui vivent près ou loin de chez soi et d'accepter que les gens vivent d'une façon différente de la sienne. Flaubert, loin de la capitale, loin des salons parisiens, loin de la Nouvelle-Athènes, loin des rues par lesquelles il a l'habitude de cheminer, se rend compte que "quoique ne parlant pas le français et décorant leurs intérieurs de cette façon, on vit donc là tout de même, on y dort, on y boit, on y fait l'amour et on y meurt tout comme chez nous ; ce sont aussi des humains que ces êtres-là." (1) Flaubert et Du Camp auront le temps de méditer sur tout cela au cours des longues heures de marche qui les attendent ou lors de transport en carriole. De Vannes, ils descendent vers le golfe du Morbihan (mor, la mer - bihan, petit). "Le genre du breton ne coïncide pas nécessairement avec celui du français : ar mor, la mer, est en breton du masculin, ce qui est marqué par la non-variation du m initial. (... ) La mutation, c'est-à-dire le changement de la consonne initiale, permet de repérer le genre : ex. taol, an daol [table], le t devient d, le mot taol est féminin ; ti, an ti, le t sans changement, le mot ti [maison] est masculin. En gros, la mutation indique donc que le mot est du féminin." (2) J'espère, chères lectrices et chers lecteurs, que vous avez, comme moi (hi hi hi !), tout compris de la façon dont on différencie le féminin du masculin en breton. Pour conclure ce chapitre d'initiation au la langue bretonne (brezhoneg), je rappellerai que le département des Côtes-du-Nord (à l'époque où Flaubert parcourt la Bretagne) est devenu le département des Côtes d'Armor (ar mor, la mer). 

 

Cheveux au vent et embruns fouettant le visage, les deux amis sont maintenant sur une embarcation qui les mènent vers l'île d'Arz, au coeur du golfe du Morbihan, île de 3 km², plate comme un polder (altitude maximale : 13 mètres).

 

                        

 

(1) Voyage en Bretagne - Par les champs et par les grèves de Gustave Flaubert (Editions Complexe, 1989) Les chapitres pairs sont de la main de Maxime Du Camp.

(2) Premier vocabulaire breton par Beatris Jouin (Editions Ouest-France, 1983)

 

 

 

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