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8 avril 2021 4 08 /04 /avril /2021 12:16

 

 

2021 : bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert

 

 

1846. Gustave Flaubert vit dans la peine. Son père et sa soeur sont décédés à deux mois d'intervalle. La relation qu'il entretient avec Louise Colet, femme mariée de onze ans son aînée - qu'il a rencontrée chez le sculpteur James Pradier -, est houleuse. La dame est jalouse. Elle croit que Maxime Du Camp, meilleur ami de Flaubert, tire les ficelles de leur amour. Elle boude, fait mauvaise figure, accuse Du Camp de lire les lettres qu'elle adresse à son amant. Flaubert vit à Croisset (près de Rouen) et interdit sa maison à Louise. Maxime Du Camp, voyant son ami dépité, insiste pour qu'ils voyagent ensemble par les champs et par les grèves afin qu'il puisse apaiser les douleurs de la perte de ses proches et les tracas dus à sa déception amoureuse. Oublier que "l'amour est comme l'opéra ; on s'y ennuie, mais on y retourne". (1) Flaubert, encouragé par son médecin, accepte. Les deux amis se mettent en route le 1er mai 1847, le jour de la Saint-Philippe, la fête du roi. 

 

L'ouverture des lignes de chemin de fer à partir de 1837 encourage les escapades, met les villes du sud et de l'ouest de la France à seulement quelques heures de la capitale (quelques dizaines d'heures !) et assure aux voyageurs un confort que ne proposent pas les diligences, les malles-poste et autres pataches hippomobiles. Le tout jeune moyen de transport doit encore faire ses preuves car le déraillement, à Meudon en 1842, d'un train provoquant la mort de 164 personnes dont l'explorateur Dumont d'Urville est encore dans tous les esprits. Après l'inauguration de la première ligne entre Paris et Le Pecq suivront l'ouverture d'une ligne jusqu'à Versailles en 1839, d'une autre jusqu'à Rouen en 1843. Cela nécessite la construction de gares ou embarcadères. Pour prendre la ligne en direction de Tonnerre dans l'Yonne (1849), on construit un embarcadère ancêtre de la gare de Lyon ; pour emprunter la ligne Paris-Orléans (inaugurée en 1843) on construit un embarcadère sur le boulevard de l'Hôpital (12ème* arrondissement), ancêtre de la gare d'Austerlitz. C'est vers ce dernier que Flaubert et son ami se dirigent pour quitter Paris le 1er mai 1847 à 8 heures et demie du matin. "Nous sommes montés dans notre wagon ; on a fermé la portière, la bête de fer a renâclé comme un cheval qui piaffe, et nous sommes partis." (1) Direction Orléans. 

 

Les deux amis visitent quelques châteaux de la Loire : Blois, Chambord, Amboise, Chenonceaux. Après Tours et Chinon, ils font une halte à Fontevraud, "enfoncé un peu comme Jumièges, sans que l'on voie grande colline autour de l'abbaye" (1), dixit Du Camp. L'abbaye de Fontevraud, fondée au début du 12ème siècle, avait la particularité d'avoir cinq couvents distincts (dans cinq bâtiments différents) menant une vie autonome. La plupart de ces bâtiments n'existent plus, mutilés, vandalisés puis détruits au cours des siècles. En 1804, Napoléon fait de l'abbaye une prison qui ne sera désaffectée qu'en 1963. Depuis 1975, l'abbaye abrite le Centre Culturel de l'Ouest qui assure l'animation du lieu par des spectacles, concerts, expositions, conférences, etc. Une hostellerie a été aménagée dans l'ancien prieuré Saint-Lazare.

 

L'église abbatiale du 12ème siècle abrite les tombeaux des Plantagenêts : Henry II - roi d'Angleterre né au Mans en 1133, couronné à Westminster en 1154 -, son épouse Aleanor of Aquitaine (Aliénor d'Aquitaine, divorcée du roi de France Louis VII) et leur fils Richard I (Coeur de Lion) couronné à Westminster en 1189. L'union du jeune comte d'Anjou, duc de Normandie et de la duchesse d'Aquitaine marquera le début d'une grande dynastie, celle des Plantagenêts (The House of Plantagenet) qui s'achèvera en 1399 avec le règne de Richard II (of Bordeaux). Par cette union, Henry II ajoutera à ses domaines d'Anjou, du Maine, de la Touraine et de Normandie, le Poitou, la Guyenne, la Saintonge et la Gascogne. Jean dit sans Terre (John Lackland), frère de Richard (Coeur de Lion), perdra l'Anjou, le Maine, la Touraine et la Normandie au profit de Philippe-Auguste. Cependant Jean sans Terre voulant reprendre l'Anjou, marchera sur sa capitale. "Le combat de la Roche-aux-Moines, à quelques kilomètres d'Angers, fut une grande victoire française que Bouvines devait compléter trois semaines plus tard, le 27 juillet 1214. Les coalisés se dispersèrent ; ils ne devaient revenir occuper l'Anjou que beaucoup plus tard lors des guerres de Cent Ans. Henri III**, fils de Jean sans Terre, fit bien quelques tentatives pour récupérer l'Anjou, dont la principale date de 1230. (...) Le roi Philippe survécut à ses adversaires. Jean II mourra en 1216 ; (...) il ne sera pas inhumé à Fontevraud en Anjou, car depuis douze ans il n'y était déjà plus chez lui." (2)

 

C'est donc une prison que visitent Flaubert et Du Camp. Ce dernier décrira les "prisonniers au réfectoire, à la promenade, un à un, en silence forcé, à la queue du loup". (1) Ils visitent l'église abbatiale. "Ce qu'il y a de plus curieux, c'est l'église dont l'abside (extérieure) est d'un beau roman avec des rotondes attenantes." (1)

 

Dans l'un des bâtiments de l'abbaye, devrait être prochainement inauguré (lorsque la réouverture des lieux de culture sera autorisée) le Musée d'art moderne de Fontevraud, qui réunira une collection de près de 900 oeuvres des 19è et 20è siècles rassemblées depuis une soixantaine d'années par M. et Mme Cligman : tableaux de Corot, Derain, Buffet, Soutine, Van Dongen, Fautrier, Gris ; sculptures de Degas, Rodin ; statues sumériennes, idoles cycladiques... Ce nouveau musée se visitera à l'entrée de l'abbaye, dans le bâtiment de la Fannerie, anciennes écuries du 18ème siècle.

 

Et Flaubert et Du Camp repartent déjà pour Tours...

                   

 

* Correspond au 13ème arrondissement actuel.

** Henry III, roi d'Angleterre de 1216 à 1272.

 

(1) Voyage en Bretagne - Par les champs et par les grèves de Gustave Flaubert (Editions Complexe, 1989) Les chapitres pairs sont de la main de Maxime Du Camp. 

(2) Dictionnaire des rues d'Angers par Jacques Saillot (Atelier d'Art Philippe Petit, 1975)            

 

Source complémentaire : Britain's Kings & Queens par Sir George Bellew KCVO (Pitkin Pictorials Ltd, 1972)

 

 

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