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29 septembre 2023 5 29 /09 /septembre /2023 09:43

 

 

 

Un compositeur allemand né à Cologne en 1819 et naturalisé français grâce au duc de Morny, a enchanté et amusé le Second Empire avec ses opéras-bouffes : Jacques Offenbach. Son père était professeur de musique et arrivant en France avec lui, Jacques, âgé de 14 ans, était admis au Conservatoire de Paris. De lui, on connaît surtout Orphée aux Enfers (1858), La Belle Hélène (1864), La vie parisienne (1866) et La Grande Duchesse de Gerolstein (1867). "Offenbach doit beaucoup à Morny. (...) Morny le soutiendra tout au long de sa carrière. Il le fera décorer de la Légion d'honneur et l'aidera à créer son propre théâtre, les Bouffes-Parisiens, où seront joués ses triomphes : La Belle Hélène, La Périchole, La vie parisienne." (1) Ces oeuvres drôles et enlevées ont aussi fait la gloire de l'actrice Hortense Schneider.

 

Tandis que Jacques Offenbach né en Allemagne était la coqueluche du Tout-Paris et qu'un compositeur français, Hector Berlioz, jouait avec succès ses oeuvres en Allemagne (§ chapitre précédent), un compositeur d'opéras avait beaucoup de mal à se faire accepter en France : Richard Wagner. Né à Leipzig en 1813, Wagner séjourne une première fois dans la capitale française en 1839 où son opéra Le Vaisseau fantôme est refusé par l'Opéra de Paris. Wagner séjourne de nouveau à Paris entre octobre 1860 et juillet 1861 dans un appartement du 3 de la rue d'Aumale (9ème arrondissement). En mars 1861, est joué à l'Opéra de Paris son Tannhäuser (en présence de l'empereur, dans une version parisianisée rejetée par le compositeur lui-même) qui est retiré de l'affiche après trois représentations. Une rare célébrité française à défendre l'opéra en question est Charles Baudelaire qui écrira dans un ouvrage intitulé Richard Wagner et Tannhauser (E. Dentu, Editeur, 1861) : "Il me semblait que cette musique était la mienne." 

Auguste Renoir qui découvre le pourtour méditerranéen au cours de voyages effectués en 1881 et 1882, se rend d'abord en Algérie afin de marcher dans les pas de Delacroix, puis en Italie pour y voir les fresques de Raphaël et celles de Pompéi. Au début de l'année 1882, alors qu'il parcourt le sud de la péninsule italienne, il se rend à Palerme où séjourne Wagner. Le peintre insiste auprès du compositeur pour le rencontrer. Wagner finit par accepter. Renoir fait en trente-cinq minutes (temps imparti par le compositeur) le portrait de Wagner. Exposé chez Paul Durand-Ruel en 1883, il est actuellement au musée d'Orsay à Paris. En voyant le tableau, Wagner dit ressembler à un "prêtre protestant" (2). Wagner acceptant de se faire portraiturer par un peintre français n'en garde pas moins du ressentiment envers la France. De Palerme, il écrit en février 1882 : J'ai "pris la résolution de ne jamais - tant que j'aurai un droit de propriété sur mes oeuvres - laisser représenter un de mes opéras à Paris". (2)

Dans les années 1880, la tension entre la France et l'Allemagne est à son comble dans le domaine musical. En janvier 1886, Camille Saint-Saëns alors en tournée en Allemagne est sifflé et le mois suivant, on lui interdit de jouer ses oeuvres à Cassel. L'année suivante, entre avril et mai, le violoniste et chef d'orchestre Charles Lamoureux prépare dix représentations de Lohengrin (opéra créé à Weimar en 1850), à l'Eden-Théâtre. La première est prévue pour le 3 mai 1887. Rappelons que Wagner est décédé à Venise quatre ans plus tôt.  L'Eden-Théâtre se trouvait au 7 de la rue Boudreau (9ème arrondissement de Paris). Il avait été construit "en 1876, dans le style d'une pagode hindoue (...) salle de spectacles (...) où débutèrent deux soeurs, Cecile et Marie Seur, la première devait devenir la célèbre Cécile Sorel." Salle "démolie en 1895 et remplacée, en 1896, par le SQUARE DE L'OPERA (actuellement de l'Opéra-Louis-Jouvet)". (3) Quelques jours avant la première, un incident en Lorraine annexée mais très proche de la frontière franco-allemande met le feu aux poudres. Vers 20 heures, ce 3 mai 1887, six cents personnes manifestent devant le dit théâtre afin d'empêcher la représentation. "Vive la France ! Vivent les Alsaciens ! A bas la Prusse !", hurlent-ils. Les abords du théâtre sont étroitement surveillés par la police. Les personnes qui arrivent pour assister au spectacle sont copieusement huées. Des pierres sont jetées sur la façade du théâtre cassant quelques carreaux. Lamoureux est conspué et on chante la Marseillaise. Le surlendemain, une nouvelle manifestation a lieu devant le théâtre. Lamoureux, qui a reçu des lettres de menaces, décide de suspendre les représentations. "Charles Lamoureux ayant à monter Tristan et Yseult et Lohengrin" avait engagé Emmanuel Chabrier (1841-1894)] "wagnérien passionné comme chef de choeurs et secrétaire particulier." (4) 

Quelques années plus tard, le peintre français Charles Maurin (1856-1914) peindra Le Prélude de Lohengrin (musée Crozatier, Le Puy, France). Ce tableau peint en 1892 a été exposé lors d'une grande exposition sur les post-impressionnistes à Londres en 1980. Cette peinture fait partie d'un triptyque en l'honneur de Baudelaire, de Verlaine et de Wagner et constitue un hommage de Maurin aux hommes dont l'oeuvre a inspiré le mouvement symboliste en France. Le catalogue de l'exposition de Londres informe et/ou rappelle aux visiteurs qu' "après le four retentissant du Tannhäuser de Wagner à l'Opéra de Paris en 1861, il faut attendre les années 1880 pour que la musique de drame reçoive une plus grande écoute en France. Des représentations de musique de drame ont été données à partir de 1882 par les Concerts Lamoureux, puis en 1884 par les Concerts Colonne et les Concerts du Conservatoire. En 1887, une tentative pour monter Lohengrin à l'Eden-Théâtre se solda par un désastre alors que des hordes de manifestants protestaient dans la rue contre la représentation sur le sol français d'une oeuvre allemande contemporaine. Les écrits théoriques de Wagner ont été l'objet d'articles notamment dans les pages de la Revue wagnérienne, créée à Munich en 1884 par Edouard Dujardin, Houston Chamberlain et Théodor de Wyzéma et publiée en France entre 1885 et 1888. Si la Revue wagnérienne exactement contemporaine de ce que l'on appelle le symbolisme en littérature n'a pas réussi à soutenir et encourager la création des oeuvres de Wagner en France, pour les peintres et écrivains de cette époque, les aspects mystiques de la musique de drame de Wagner ont été une mine d'or dans le domaine du symbolisme et du surnaturel." (5) Il faudra attendre 1902 pour que les tensions s'apaisent avec la première représentation à Paris (le 17 mai) du Crépuscule des dieux de Wagner sous la direction d'Alfred Cortot.

 

Au vu de tous ces événements nationalistes, le journaliste et pamphlétaire Henri Rochefort dont Edouard Manet a fait le portrait en 1881 (Hamburger Kunsthalle, Hambourg, Allemagne) a écrit : "Nous ne comprenons qu'imparfaitement pourquoi cette antipathie pour les produits prussiens, saxons ou bavarois s'applique exclusivement à la musique et non à la littérature, à la cordonnerie*, ou même à la charcuterie." Rochefort en citant la littérature aurait pu ajouter la peinture...                      

 

 

* La société de fabrication de chaussures et de sacs à main Salamander a été créée en 1885.

 

 

(1) Morny. Un volupteux au pouvoir par Jean-Marie Rouart (Editions Gallimard, 1995). Le duc de Morny était le fils d'Hortense de Beauharnais (elle-même épouse de Louis Bonaparte, Roi de Hollande) et du comte de Flahaut et par conséquent le demi-frère de Napoléon III. 

(2) Extrait de l'article de Elisabeth Bernard intitulé Paris 1887 : Les aventures du chevalier Lohengrin paru dans la revue Romantisme en 1986.

(3) Dictionnaire historique des rues de Paris par Jacques Hillairet (Les Editions de Minuit, 1963)

(4) Histoire de la musique par Emile Vuillermoz (F. Brouty, J. Fayard et Cie, 1949) 

(5) Extrait du catalogue (en anglais) de l'exposition Post-Impressionism. Cross-Currents in European Paintings (novembre 1979-mars 1980) à la Royal Academy of Arts (Londres, Angleterre)

 

 

Passage Choiseul (Paris)

Passage Choiseul (Paris)

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