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23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 00:01

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Venise, 1725. Le Doge s'appelle Alvise III Mocenigo. C'est l'année de naissance de Casanova. Francesco Guardi a 13 ans, Carlo Goldoni en a 18 et Canaletto, 28.

 

Dans une salle de la maison de Lunardo, Margarita file et Lucietta tricote ; toutes deux sont assises.

Lucietta. - Mère.

Margarita. - Ma fille.

Lucietta. - Le carnaval tire à sa fin.

Margarita. - Nous avons eu de bien belles distractions, n'est-ce pas ?

Lucietta. - Pour sûr ! On n'a même pas vu la queue d'une comédie.

Margarita. - Et ça vous étonne ? Moi, pas du tout. Voilà bientôt seize mois que je suis mariée. Est-ce que votre père ne m'a jamais emmenée quelque part ?

Lucietta. - Et pourtant, savez-vous, il me tardait de le voir se remarier. Quand j'étais seule à la maison, je me disais : il faut comprendre ton père, il ne veut pas t'accompagner et n'a personne à qui te confier. S'il se marie, je sortirai avec ma belle-mère. Eh bien, il s'est remarié, mais, à ce que je vois, nous n'y avons gagné, ni vous ni moi.

Margarita. - C'est un ours, ma fille ; il ne prend jamais de distractions et, du coup, pas question pour nous d'en prendre. Et pourtant, savez-vous, avant mon mariage, ce ne sont pas les divertissements qui m'ont manqué. J'ai été bien élevée. Ma mère était une femme ombrageuse et quand quelque chose ne lui plaisait pas, elle savait donner de la voix et flanquer des taloches. Mais, le moment venu, elle ne nous privait pas de divertissements. A l'automne, figurez-vous, on allait deux ou trois fois au théâtre, au carnaval cinq ou six fois. Si on lui remettait la clé d'une loge, elle nous emmenait à l'opéra, voire à la comédie, mais elle savait aussi acheter sa bonne petite clef et dépenser son propre argent. Elle avait soin d'aller où elle savait qu'on donnait de bonnes comédies, où l'on pouvait emmener les jeunes filles ; elle venait avec nous et l'on s'amusait. Parfois, figurez-vous, nous allions au Ridotto ; nous avions droit à une petite promenade sur le Liston ou sur la Piazzetta avec ses diseuses et ses théâtres de marionnettes et, deux fois par an, aux baraques foraines. Quand nous restions à la maison, nous faisions salon. C'était des parents qui venaient, des amis aussi, et même quelques jeunes gens, mais, figurez-vous, en tout bien tout honneur. ("Les Rustres" pièce écrite par Carlo Goldoni en 1760, acte I, scène I)

 

Au 18ème siècle, à Venise, on ne comptait pas moins de quatorze théâtres ouverts au public pour les représentations d'opéras, de ballets et de comédies. Les spectacles d'opéra étaient célèbres pour le faste des mises en scène et des costumes. Les tables de jeu étaient très fréquentées : on misait des sommes énormes malgré les foudres du gouvernement. Afin de mettre un frein à ce fléau et pour s'en assurer le contrôle, l'Etat, dès 1638, concéda l'ouverture d'une salle publique de jeu, le Ridotto (le cercle), mais le remède fut pire que le mal. Le Ridotto fut fermé en 1774 et le jeu se terra alors dans les maisons particulières et les cafés. Une première boutique de café ouvrit en 1683 et la ville regorgea vite de ce genre d'établissements ; on en comptait au moins vingt-six au 18ème siècle sur la seule place Saint-Marc.

 

Mais au début du 18ème siècle, commence le déclin de la République de Venise. La guerre contre l'Empire turc à laquelle s'associent l'Autriche et la Russie, donne à Venise, par l'occupation de Patras, Lépante et Corinthe, une suprématie dans le Péloponnèse. Mais Venise perd la Morée et entre 1716 et 1718, après une guerre contre les Turcs, perte que ne compensent pas les quelques acquisitions obtenues en Alabanie et en Dalmatie par le traité de Passarowitz en juillet 1718. Outre ses défaites, Venise est concurrencée par des ports qui font du tort à son commerce. Les marchandises ne passent plus par Venise et l'Adriatique n'est plus un passage obligé pour le commerce. Gênes, Livourne et Ancône sont les grands ports qui font de l'ombre à la Sérénissime. En Méditerranée occidentale, le commerce est perturbé par les Barbaresques qui de Tripoli au Maroc pillent les navires et forcent Venise à des actions militaires. Un accord est d'abord trouvé avec le bey de Tripoli. Venise bombarde Sousse, Bizerte et Sfax et une paix est signée en 1792.

 

C'est dans cette ville, dans cet Etat unique au monde, que Casanova voit le jour en 1725. Aventurier, il parcourt l'Europe de Vienne à Madrid en passant par Paris, mais est souvent emprisonné avant de repartir pour de nouveaux horizons. Condamné à cinq ans de prison, il est détenu à Venise de 1755 à 1756, date de son évasion. Il est alors persona non grata à Venise et il n'y retournera qu'en 1774 après dix-neuf ans d'absence.   

En novembre 1767, il est à Paris mais à la suite d'une altercation avec un jeune noble, il est prié de quitter la capitale française dans les vingt-quatre heures et le royaume de france dans les trois semaines. Il prend alors la direction du Sud, sans domestiques, avec un passeport que lui a fourni le duc de Choiseul. Il gagne l'Espagne avec l'intention de se rendre ensuite au Portugal.

"Cette manière de voyager comme voyagent les bêtes de somme me parut fort incommode. S'il m'en souvient bien, je couchai la première nuit dans une mauvaise hôtellerie où l'hôte, me désignant une espèce de bouge, me dit :

- Vous pourrez coucher là, si vous vous procurez de la paille en guise de matelas ; vous y aurez chaud si vous trouvez du bois pour faire du feu...

- Et probablement, ajoutai-je, je pourrai faire cuire quelque chose pour ma nourriture si je trouve ici de quoi manger.

La vérité est que, même avec mon argent, je ne trouvai rien. Je passai toute la nuit sur pied, faisant la guerre aux moustiques. Le lendemain je donnai à mon paysan quelques maravédis, plus une pezetta por el ruido. Il va sans dire que ces déplorables hôtelleries n'étaient fermées que par un loquet. Je signifiai à mon conducteur qu'à l'avenir je ne voulais plus coucher dans ces auberges ouvertes au premier venu où il serait impossible de se défendre contre une attaque nocturne.

- Vous ne trouveriez pas, seigneur, me répondit-il, un seul verrou dans toutes les auberges des Espagnes.

- Est-ce là un effet du bon plaisir du roi ?

- Notre roi n'a rien à faire ici : c'est l'office de la sainte inquisition qui a le droit de venir à toute heure de la nuit dans la chambre des voyageurs.

- Et de quoi s'inquiète votre maudite inquisition ?

- De tout.

- C'est beaucoup de choses, Citez un exemple.

- En voici deux. Elle s'inquiète surtout si l'on ne fait pas gras les jours maigres et si hommes et femmes ne couchent pas pêle-mêle, et c'est pour veiller au salut de nos âmes...

- Qu'on ne met pas de verrous aux portes ? ajoutai-je."

 

 

Photo, Venise pendant les Régates historiques du mois de septembre

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