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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 09:22

Samedi dernier, dans le cadre du cycle de conférences sur le Dévôt-Christ, Mme Laetitia CANAL, professeure d'histoire-géographie au lycée Arago de Perpignan, est venue parler en marge de l'exposition "Le Dévôt-Christ revisité"  à Note-Dame-des-Anges, sur le thème "La crucifixion dans l'art moderne et contemporain".

 

"Dans une chapelle qui s'appuie contre la Cathédrale Saint-Jean se dresse un magnifique Christ de bois - dit Dévôt Christ - qui est une création du génie. La matière s'efface pour ne plus laisser place qu'à l'esprit; ce visage exsangue, la peau collant à l'os, peau brûlée, tannée par des siècles de torture, peau de cadavre, belle et dure comme un cuir de Cordoue, échappe à la réalité; l'ascetisme espagnol ne s'est jamais plus fortement exprimé; on ne peut rêver art plus dépouillé ni plus surréelle image de la mort. Une légende veut que le visage de ce Christ s'incine insensiblement vers la poitrine et que le moment où menton et thorax se toucheront marque l'heure de la fin du monde. Du Moyen Age à ces années 1910, j'imagine que le mouvement de la tête devait être bien lent - lent comme la vie de la ville, comme le glissement de l'ombre du pin, comme le déroulement de ces existences sans histoire; j'imagine aussi que depuis trente ans il a dû accélérer sa vitesse de chute - quel étroit sillon entre tête et poitrine doit apparaître aujourd'hui dans nos temps de fin du monde ?" Victor Crastre, "Naissance du Cubisme, Céret 1910-1920" 

 

La crucifixion est un thème qui revient souvent dans l'art ( peinture, sculpture... ) depuis le 2ème siècle. A Rome a été trouvée une représentation de la crucifixion éxécutée vraisemblablement par un polytheiste qui se moque de la religion chrétienne, Jésus étant représenté sous la forme d'un âne. A partir de 420, la crucifixion devient un élément central de l'iconographie chrétienne. Le Christ est alors représenté nu mais à partir du 12ème siècle, il est représenté avec un pagne ou complètement vêtu pour des raisons de pudeur. Le Christ est représenté en gloire ou souffrant comme le Dévôt-Christ de Perpignan et devient une oeuvre centrale du choeur des églises.

La crucifixion de Mathias Grunewald ( 16ème siècle ) du retable d'Issenheim ( musée de Colmar ) représente la souffrance des malades atteints de la maladie des ardents autant que celle du Christ.

Le Gréco, Zurbaran, Velasquez, Rembrandt, Goya ont au moins une fois peint une crucifixion. Le propos dépasse le simple thème de la religion; il s'agit de représenter la souffrance de l'homme.

L'art moderne a réinventé la crucifixion. Dans les oeuvres du 20ème siècle, le corps est assimilé à la croix elle même. Des artistes travaillent pour l'Eglise en y ajoutant leur propre touche. Foujita décore une chapelle à Reims; son style s'inspire de la Renaissance et de l'art oriental. Matisse dans la Chapelle du Rosaire à Vence ( 1947-1951 ) peint une version stylisée simplifiée de la crucifixion. Sa Vierge à l'Enfant fait référence aussi bien à la naissance de Jésus qu'à sa mort.

Il y a aussi des crucifixions personnelles qui sont hors commandes de l'Eglise. Dans la crucifixion de Paul Gauguin, "Le Christ Jaune", l'interprétation est classique ( on y voit la croix, les clous, le pagne... ) mais c'est aussi une représentation iconoclaste car elle est représentée dans un paysage breton avec des femmes du pays bigouden et il y a en arrière plan des personnages qui sont détachés de l'événement. Martin Vives, peintre Catalan, peint une procession où la crucifixion n'est pas l'élément central du tableau. Otto Dix représente la Ière guerre mondiale sous la forme d'un retable qui montre des scènes de batailles et où il remet en cause sa foi. Marc Chagall reprend le thème de la crucifixion pour stigmatiser les malheurs du peuple juif. Picasso peint une crucifixion où certains personnages rappellent ceux de son Guernica (*). Chez Francis Bacon, le thème de la crucifixion se répète souvent. Dès 1944, avec "Trois études de personnages au pied d'une crucifixion" dont l'horreur est insoutenable et en 1962 dans "Trois études pour une crucifixion", oeuvres qui rappellent son passé douloureux.064.JPG

 

L'exposition "Le Dévôt-Christ revisité" est visible à Perpignan, dans la chapelle N-D des Anges jusqu'au 15 décembre et ce samedi 11 à 17 heures, une ultime conférence sera donnée par M. Jean-Bernard MATHON, conservateur des antiquités et objets d'art des Pyrénées-Orientales, sur le thème "Le Dévôt-Christ est-il Catalan ? ".

 

 

(*) "Picasso, peintre de crucifixions. Ses toiles qui résultent de crises de rage contre la peinture (linge déchiré, clous, corde, fiel), où le peintre se crucifie, crucifie la peinture, crache dessus, donne le coup de lance, et se trouve maté, obligé fatalement à ce que tout ce massacre finisse par une guitare.

Mon rêve, en musique, serait d'entendre la musique des guitares de Picasso." Jean cocteau, "Opium" (1929)  

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