Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 16:24

numérisation0005-copie-1 

En septembre 1908, Jean Cocteau, qui n'avait que dix-neuf ans, fit un voyage en Italie avec sa mère : la région des lacs, Milan, Vérone et Venise furent les principales étapes de leur séjour. C'est durant ce même mois de septembre 1908 que Claude Monet, peintre reconnu âgé de soixante-huit ans, choisit de partir lui aussi pour Venise avec son épouse Alice.

"En fait, dès avant de se fondre dans l'unité italienne, Venise et la Vénétie ont été comme incorporées à l'Italie du Nord, qui est une des régions les plus actives, les plus dynamiques et aussi, même à distance, les plus performantes qui soient. Ce rattachement s'est précipité quand Venise a été touchée par la voie ferrée, en 1846 - ni plus ni moins le fait capital de son destin récent - et que s'est construite la première gare, assez misérable de Santa Lucia. Pensions-nous en rejoignant là Venise, pour la première fois, qu'elle y était enchaînée ?" (*) Dès l'inauguration de la voie ferrée passée, de nombreux peintres cédèrent à la tentation de Venise : Manet en 1856 et 1875, Renoir en 1881, Eugène Boudin en 1892, 1894 et 1895. Venise dont chacun vantait la lumière avait pris le pas sur Rome et Florence dans le coeur des peintres impressionnistes.

Londres, Venise, deux villes d'eau et de brumes appréciées des peintres :

 

"Je voyage bien peu. J'ai vu Londres, Venise,

Bruxelles, Rome, Alger.

De musée en église

S'épuisant mon désir d'encore voyager.

 

Londres au coeur de charbon, pavot de brique rose,

Où l'on marche endormi.

Venise, triste à cause

Que son vieux corps d'amour n'est ville qu'à demi." (Jean Cocteau, Plain-Chant)

  

Claude Monet arrive à Venise le 2 octobre après un voyage de plusieurs jours depuis Giverny (Eure). Invités par Mary Young Hunter qui dispose d'une demeure prêtée par une de ses amies, Monet et son épouse s'installent au Palazzo Barbaro : "Je vis un rêve, écrit Claude Monet,- cette arrivée à Venise, si merveilleuse, le calme qui vous gagne, les attentions multiples de Mme Hunter, ce palais admirable - un vrai conte de fée... Dès notre débarquement, Mme Hunter était là et, de suite, en gondole, nous a fait faire le tour des canaux grands et petits et admirer le soleil couchant sur la place Saint-Marc ; le tout inoubliable." Quelques jours plus tôt, Cocteau lui aussi découvrait Venise : "Le soir de l'arrivée, la gondole de l'hôtel amuse comme une attraction foraine. Ce n'est pas un véhicule ordinaire. Les parents, hélas, ne l'entendent pas ainsi. Venise commencera demain. Ce soir, on ne monte pas en gondole ; on monte en omnibus. On compte les malles. On ne regarde pas la ville qui ressemble aux coulisse de l'Opéra pendant l'entr'acte."

Venise en ce début d'automne est envahi par les moustiques ; une protection adéquate est de nécessaire : "Les journées sont toujours le même enchantement par ce temps vraiment idéal, écrit Monet le 4 octobre. J'accepte même la moustiquaire et la soeur Hunter." Jean Cocteau écrit dans Le Grand Ecart : "La nuit, sous la moustiquaire, il entendait les guitares, les ténors."

Place Saint-Marc, église San Giorgio Maggiore, Grand Canal, le Palazzo Dario, la Salute, Monet rapportera de Venise une trentaine de toiles. Jean Cocteau rencontre à Venise un jeune écrivain, Raymond Laurent, qui se suicide sur les marches de la Salute peu après qu'ils se soient quittés. "Jacques le railla sur le suicide classique à Venise et lui souhaita bonne nuit."

Le 7 décembre, Claude Monet écrit : "Mon cher ami, Pris par le travail je n'ai pu vous écrire, laissant à ma femme le soin de vous donner des nouvelles. Elle a dû vous dire mon enthousiasme pour Venise. Eh bien ! cela n'a fait que croître et, le moment de quitter cette lumière unique approchant, je m'en attriste." Dans Le Grand Ecart, Cocteau écrit : "Venise avait déçu Jacques comme un écor gondolé à force de servir, car chaque artiste le dresse au moins pour un acte de sa vie. Dans les musées, après deux heures de marche et d'attention, la spleudeur lui tombait à cheval sur les épaules. Meurtri de fatiigue, de crampes, il sortait, descendait les marches, regardait le palazzo Dario saluer les loges d'en face comme une vieille cantatrice, et rentrait à l'hôtel. Il admirait la force des couples qui visitent Venise avec une activité d'insectes."

A son retour en France, Monet termine les toiles commencées à Venise. En 1912, Monet les exposera à la Galerie Bernheim-Jeune. En 1909, Cocteau rencontrera Diaghilev lors de la première des Ballets russes au Châtelet.

 

Cet article a été réalisé grâce à  l'ouvrage de Philippe Piguet, Monet et Venise.        

 

(*) Fernand Braudel de l'Académie française : Venise  

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
Voilà qui me parle et m'interpelle, un article qui s'apparente un peu à ceux que je publie sur mon blog et qui viendra en complément de ceux que j'ai déjà publiés sur mon blog. Mais les moustiques<br /> ne sont pas qu'à Venise, ils sont légions ici même et en ce moment ils sévissent depuis l'étang de Salses jusque dans les Corbières, loin des zones humides. A croire que les nouveaux produits de<br /> l'Entente Départementale pour la Démoustication sont totalement inefficaces. Dire qu'on avait pourtant voulu les éliminer et qu'on avait très bien réussi à le faire pour la tranquillité des<br /> touristes que l'on attendait en masse au moment du " Déménagement du Languedoc-Roussillon " et de son parfait bétonnage !
Répondre

Présentation

  • : Le blog de louisiane.catalogne.over-blog.com
  • : Faire connaître la Louisiane et les Catalognes : Lieux, histoire et événements.
  • Contact

Recherche

Liens