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11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 09:10

Début 1929 à Paris, Paul Eluard se trouve dans un établissement à la mode quand il croise Camille Goemans, poète belge qui possède une galerie rue de Seine. Ce dernier est en compagnie d'un jeune peintre espagnol inconnu qui porte une fine moustache : Salvador Dali. Au cours de la conversation, Dali invite Goemans et Eluard à venir le voir dans son atelier de Cadaqués sur la costa Brava. Ils acceptent et se rendent dans ce petit port de pêche que Dali a déjà peint quelques années plus tôt. Paul Eluard y va avec Gala. Ce séjour, cette visite à Dali et les œuvres qu'il montre à ses visiteurs inspirent à Eluard des vers que celui-ci fera paraître sous le titre La Vie immédiate (1932) :

C'est en tirant sur la corde des villes en fanant

Les provinces que le délié des sexes

Accroît les sentiments rugueux du père

En quête d'une végétation nouvelle

Dont les nuits boule de neige

Interdisent à l'adresse de montrer le bout mobile de son nez.

C'est en lissant les graines imperceptibles des désirs

Que l'aiguille s'arrête complaisamment

Sur la dernière minute de l'araignée et du pavot

Sur la céramique de l'iris et du point de suspension

Que l'aiguille se noue sur la fausse audace

De l'arrêt dans les gares et du doigt de la pudeur.

C'est en pavant les rues de nids d'oiseaux

Que le piano des mêlées de géants

Fait passer au profit de la famine

Les chants interminables des changements de grandeur

De deux êtres qui se quittent.

C'est en acceptant de se servir des outils de la rouille

En constatant nonchalamment la bonne foi du métal

Que les mains s'ouvrent aux délices des bouquets

Et autres petits diables des villégiatures

Au fond des poches rayées de rouge.

C'est en s'accrochant à un rideau de mouches

Que la pêcheuse malingre se défend des marins

Elle ne s'intéresse pas à la mer bête et ronde comme une pomme.

Le bois qui manque la forêt qui n'est pas là

La rencontre qui n'a pas lieu et pour boire

La verdure dans les verres et la bouche qui n'est faite

Que pour pleurer une arme le seul terme de comparaison

Avec la table avec le verre avec les larmes

Et l'ombre forge le squelette du cristal de roche.

C'est pour ne pas laisser ces yeux les nôtres vides entre nous

Qu'elle tend ses bras nus

La fille sans bijoux la fille à la peau nue

Il faudrait bien par-ci par-là des rochers des vagues

Des femmes pour nous distraire pour nous habiller

Ou des cerises d'émeraude dans le lait de la rosée.

Tant d'aubes brèves dans les mains

Tant de gestes maniaques pour dissiper l'insomnie

Sous la rebondissante nuit du linge

Face à l'escalier dont chaque marche est le plateau d'une balance

Face aux oiseaux dressés contre les torrents

L'étoile lourde du beau temps s'ouvre les veines.

Paul Eluard, Salvador Dali (1932. - La Vie Immédiate)

Cadaqués (Catalogne)

Cadaqués (Catalogne)

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